RDC, Présidentielle

Par Yvon Muya

La Commission électorale nationale indépendante a annoncé samedi le début de l’enregistrement des candidatures en vue d’élections générales du 23 décembre 2018. Une opération tant attendue, qui, si elle devait aller jusqu’au bout, permettrait au pays d’aller enfin aux urnes et de mettre ainsi un terme à plus de deux ans de crise politique et de violences provoquées par l’absence d’élections depuis la fin du second et dernier mandat du chef de l’État Joseph Kabila le 20 décembre 2016.




Avec le démarrage des opérations de réception et de traitement des candidatures – du 24 juin au 8 juillet, pour les provinciales, et du 25 juillet au 8 Août, concernant la présidentielle et les législatives – c’est une étape décisive qui s’ouvre dans le processus électoral. Celle de voir les prétendants au Palais de la Nation se dévoiler un peu plus. Pour autant, le suspense demeure entier. Alors que dans les deux camps, Pouvoir et Opposition, les incertitudes persistent quant au sort des principaux candidats.

« Kabila hier, aujourd’hui et demain »

Se présentera, ne se présentera pas. Dans les rangs de la Majorité présidentielle, c’est la question qui n’a pas fini d’agiter les esprits, celle de savoir si le chef de l’État tentera de briguer un 3e mandat malgré l’interdiction par la Constitution. Après avoir épuisé ses deux quinquennats, Joseph Kabila n’a toujours pas déclaré publiquement qu’il ne se présentera pas. « Rien ne l’y oblige », répétait encore récemment le ministre de la communication, Lambert Mende. Alors que, dans un partage des rôles, le Secrétaire Permanent du PPRD, Emmanuel Shadari, chargé de jouer avec les nerfs des opposants, ne s’empêchait pas, lundi dernier, au Kongo-Central, de lancer un nouveau « nous étions avec Joseph Kabila hier, nous sommes avec lui aujourd’hui et nous seront avec lui, demain. ».

Si l’idée de passer la main à un autre a tout de même commencé à voir jour, le « Raïs » prend soin d’en contrôler la communication. Minaku ? Matata ? Bahati ? Olive Lembe ? Des noms filtrent, mais personne parmi eux n’a réussi jusqu’à ce début d’enregistrement des candidatures à s’imposer comme ce dauphin tant attendu. « Le chef de l’État ne veut pas prendre le risque d’avancer un nom plusieurs mois avant les élections au risque de se voir déborder », confie un ministre PPRD. Laissant entendre une sorte de stratégie de l’évitement consistant pour le président de la république à entretenir le flou et ainsi éviter de déclencher une « guerre civile » entre clans en cas du choix d’un « cheval » sujet à contestation. Résultat, Kabila ou son successeur, le secret demeure indemne. Jusqu’au 8 Août ?

Katumbi parle, Bemba obtient un passeport

Dans l’opposition, non plus, la sérénité est loin d’être le maître-mot. Étant donné le nombre des candidats déjà déclarés. Adolphe Muzito, Martin Fayulu, Félix Tshisekedi, Moïse Katumbi. Ils sont nombreux à avoir déjà exprimé leur intention de se présenter ou à être choisis par leurs partis. Parmi eux, l’ex gouverneur du Katanga est sans doute la grande attraction. Contrait à l’exil et poursuivi par la justice congolaise, le candidat d’Ensemble prendra la parole ce lundi 25 juin 2018 sur les réseaux sociaux. Pour annoncer enfin la date de son retour au pays ? Ses partisans l’espèrent. Tandis que ses lieutenants mettent en garde contre les manœuvres visant à empêcher sa candidature. « Nous savons que le Pouvoir a peur de Katumbi. Celui-ci est notre plan A et B. Nous n’irons pas aux élections sans lui », a lancé Gabriel Kyungu qui rassemblait pour la première fois les partisans d’Ensemble samedi à Lubumbashi.

Mais si la disqualification du président du TP Mazembe devait se confirmer, d’autres pourraient en profiter. Bientôt titulaire d’un passeport biométrique, l’ancien vice-président de la république, Jean Pierre Bemba, tout juste sorti de sa cellule de la Cour pénale internationale, semble, lui, bénéficier d’un traitement de faveur. Si le « Chairman » n’a rien dit officiellement de ce qu’il va faire se sa liberté retrouvée, son parti, le MLC, le voit déjà comme seul homme de la situation. Après ses 10 ans passés à la Haye.

Fort de la machine UDPS, à la tête de laquelle il vient d’être propulsé, Félix Tshisekedi, fils héritier de l’emblématique opposant historique, devrait, lui, aussi, être pris au sérieux. Tout comme le président national de l’UNC, Vital Kamerhe. Quelques minutes seulement après l’acquittement de Jean Pierre Bemba, le 3e homme de la présidentielle de 2011 n’avait pas tardé à souligner le début désormais du « vrai jeu politique ». Avec, quand même, autant d’incertitudes sur la ligne de départ.