Par Yvon Muya
Le nouveau président congolais Félix Tshisekedi fêtait ses 100 premiers jours à la tête du pays ce dimanche 5 mai 2019. Une période incontournable pour tout dirigeant nouvellement entré en fonction. Pour la RDC, qui célèbre également sa première alternance au sommet de l’État, c’est un président volontaire et dynamique, que les Congolais ont découvert au cours de 100 derniers jours. Mais dans un mandat quasiment de cohabitation, avec le clan Kabila, « Fatshi », aura-t-il les coudées franches pour réaliser ses promesses ?
Cela faisait longtemps depuis Mobutu que les Congolais avaient vu un président aussi proche du peuple. Ce commentaire qui revient assez régulièrement depuis le 24 janvier 2019, date à laquelle Félix Tshisekedi a été assermenté, témoigne du changement de style depuis trois mois et dix jours au plus haut sommet du pouvoir à Kinshasa . À l’écoute du congolais moyen, parfois un peu trop émotif quand il va ce jour-là jusqu’à réhabiliter une femme victime d’un conflit foncier, Félix Tshisekedi a cherché surtout à imprimer l’image d’un président des gens ordinaires.
Programme de secours
Mais devant d’immenses défis sociaux, économiques et des demandes en termes d’infrastructures, auxquels le pays fait face, le président comprend tout de suite que jouer le Père Noël n’était pas le meilleur moyen de préserver sa bonne image. Privé de la majorité au Parlement, empêtré dans d’interminables discussions sur la formation d’un nouveau gouvernement avec le FCC, la gourmande coalition de l’ancien président Joseph Kabila, le volontaire Tshisekedi se résout à lancer un programme de 100 jours. Qualifié de plan d’urgence, la feuille de route a pour objectif de montrer un président au travail. Résultat, routes, ponts, bâtiments, en quelques semaines seulement, quelques infrastructures sont construites ou réhabilitées. Mais avec un budget d’environs 80 millions de dollars alloué aux sites retenus, difficile de réaliser des miracles et de servir tout le monde. Idem pour les infrastructures sanitaires, les écoles et les logements sociaux, qui devront attendre le prochain gouvernement et les moyens beaucoup plus conséquents pour leur réalisation.
En attendant, Félix Tshisekedi fait carton plein dans le domaine de l’apaisement du climat politique et de droits de l’homme. En libérant notamment les prisonniers politiques. Restés derrière les barreaux malgré les accords de la Saint Sylvestre, les opposants Frank Diongo, condamné à 5 ans de prison pour outrage au Chef de l’État sous Joseph Kabila, l’avocat Firmin Yangambi, écroué en 2009 après une condamnation pour tentative d’organisation d’un mouvement insurrectionnel ou encore récemment les opposants Jean-Claude Muyambo et Eugène Diomi Ndongala qui n’ont cessé de dénoncer des procédures politiques. Tous ont retrouvé la liberté. Tandis que dans l’entourage du Chef de l’État on assure avoir fait fermer tous les cachots secrets de l’Agence nationale des renseignements (ANR). Comme le président l’avait promis dès les toutes premières minutes dans les habits de Président.
Le peuple, d’abord ?
Il faut dire qu’après les années Kabila marquées par des tensions et la défiance mutuelle entre l’opposition et l’ancien régime, en 100 jours, Félix Tshisekedi a inauguré une nouvelle ère dans les rapports entre le pouvoir et le premier cité. « Sous ma présidence aucun Congolais ne sera iniquité pour avoir émis ses opinions », répète le Chef de l’État. Alors que, de la parole aux actes, son principal opposant Martin Fayulu, n’en finit pas d’occuper la rue dans une quasi indifférence de la présidence de la république. De quoi honorer le credo de l’Udps, son parti, et de son père, à savoir, la restauration d’un État en RDC ? Félix Tshisekedi s’en tirera incontestablement avec la mention très grande distinction.
Mais le fils d’Étienne Tshisekedi le sait, ce n’est pas sur le terrain de l’amnistie en faveur des politiciens que la grande majorité de Congolais l’attendent. Pour réaliser le slogan « Le peuple d’abord » laissé par l’ancien opposant historique, le successeur de Joseph Kabila aura besoin de bien plus que la volonté de vider les prisons. Saura-t-il convaincre ses partenaires du FCC, ultra dominateurs dans toutes les autres institutions, à prioriser le bien-être social de la population ? Tel est le défi du nouvel homme fort du pays durant non pas les 100 jours mais tout le quinquennat.