Par Siméon Isako
Dans une déclaration faite ce lundi 26 décembre 2022 et dont une copie est parvenue à CAS-INFO, le club des jeunes Constitutionnalistes Congolais estime que
L’affaire Matata est l’une des affaires ayant « attiré beaucoup d’attention de la part de la doctrine et mis en difficulté certains juristes dans la compréhension de trois arrêts qui sont intervenus dans la matière dont deux contradictoires de la Cour constitutionnelle et un arrêt avant dire droit de la Cour de cassation qui ne brille pas non plus par l’argumentation que la Cour y développe en saisissant la Cour constitutionnelle sur fond d’une exception d’inconstitutionnalité hypothétique qu’elle attribue à la partie poursuivie alors que celle-ci avait soulevé des exceptions d’incompétence et non d’inconstitutionnalité« .
Tout en rappelant le déroulement de la procédure jusqu’à ce jour, ce club note que la Cour de cassation avait estimé bon de saisir la Cour constitutionnelle sur le fondement du recours en interprétation des dispositions de l’article 164 de la Constitution alors que la Cour
de cassation ne faisant pas partie des organes habilités à la saisir en cette matière.
« C’est sur fond de cette obscurité procédurale que la Cour constitutionnelle a été saisie et qu’elle a rendu son deuxième arrêt en novembre 2022 se déclarant compétente à juger l’ancien Premier Ministre Matata Ponyo Mapon une année que la même juridiction se soit prononcée incompétente à connaître de cette affaire« , déplore ce club.
Dans leur document, ces jeunes font savoir que la meilleure compréhension suppose un rappel de l’argumentation de la Cour constitutionnelle développée dans son arrêt de 2021.
« Il sied de relever que le Droit est l’une des branches ouvertes à plusieurs interprétations, chacune pouvant être admise. La diversité des interprétations résulte du fait que l’affaire Matata met en intersection plusieurs disciplines juridiques : le droit constitutionnel, la justice constitutionnelle, le droit pénal général, le droit constitutionnel pénal, le droit judiciaire, etc« , disent ces jeunes.
Ces Constitutionnalistes expliquent que dans le premier arrêt, la Cour constitutionnelle recourt à une interprétation stricte telle que promue en droit pénal général et en tant que juge pénal elle a interprété de manière stricte les dispositions posant sa compétence en cette matière.
« Il s’agit du Président de la République et du Premier ministre (en fonction). Cette qualité n’était plus celle du prévenu au moment des poursuites« , ajoute les jeunes constitutionalistes qui indiquent que la haute cour est liée par l’interprétation stricte que requiert le droit pénal.
« Si la matière était exclusivement constitutionnelle, la cour constitutionnelle
pouvait librement mobiliser d’autres techniques d’interprétation« , ont-ils argué.
Ils se disent étonnés du fait qu’aux termes d’un « raisonnement anticonstitutionnel« , la cour constitutionnelle se déclare compétente dans le deuxième arrêt.
Tout en poursuivant qu’il difficile de saisir la base juridique sur laquelle se fonde la Cour constitutionnelle, ces congolais restent rassurés que la haute cour « manque d’objet dans le cas sous examen« .
Dénonçant l’irrecevabilité du recours en interprétation, pour défaut de qualité du demandeur, ce document fustige que la Cour Constitutionnelle se déclare compétente en mobilisant une interprétation systémique et téléologique de la Constitution et parfois analogique de la Constitution en s’abreuvant à sa jurisprudence consolidée en matière de protection des droits fondamentaux partant du contrôle de constitutionnalité des actes d’assemblée.
« Cette jurisprudence se comprend car elle est rendue par la Cour constitutionnelle en sa qualité de juge constitutionnel qui veille à l’harmonie de l’ordonnancement juridique au sommet. Mais un tel raisonnement est inapproprié en matière pénale car ici la CC n’agit pas en qualité de juge constitutionnel, mais de juge pénal. Les raisons du revirement jurisprudentiel ne sont pas non plus solides c’est-à-dire elles sont infondées. Ce n’est pas parce qu’elle est saisie en matière constitutionnelle qu’elle peut opérer le revirement jurisprudentiel, mais il
faudrait qu’il y ait des faits nouveaux, un changement des circonstances ayant eu un impact déterminant sur le premier arrêt« , ont-ils renchéri.
Ils décrient l’évolution négative de la situation car selon eux « aucun fait nouveau ni un changement radical des circonstances« .
« La Cour constitutionnelle a statué ultra petita en excédant le cadre de ce qui lui avait été demandé. Matata Ponyo doit-il alors échapper à la justice ?, a-t-il droit à un juge naturel ?, si oui ce serait lequel ?. Et dans le cas d’espèce, nous pensons que le silence de la Loi lui est profitable. Il est tout aussi vrai que la Loi n’est pas la seule source du Droit. Mais dans le cas sous examen, il est de rigueur que celle la Loi soit indiquée comme la seule source de Droit qui devra fonder toutes poursuites à l’encontre de l’ancien Premier Ministre au regard notamment de l’exigence de l’interprétation la plus stricte que requiert le Droit pénal« , écrivent ces jeunes congolais qui disent fondés leur position sur le droit et non la politique.
Ils insistent que « Même dans le cas contraire, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle prive toutes les autres Instances la prétention d’une quelconque
compétence pouvant justifier les poursuites contre l’ancien Premier Ministre pendant qu’elle-même s’est déjà contredite et ne pourra plus revenir là-dessus en vertu du principe latin: non bis in idem (nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits). Cette règle, qui répond à une double exigence d’équité et de sécurité juridique, est reconnue et appliquée par l’ordre juridique interne par
l’ensemble des pays respectueux de l’état de droit« .
« Dans le giron d’un Etat de droit, il sied de retenir l’existence de la norme juridique, le respect des droits fondamentaux et une justice indépendante à appliquer les règles de droit. En tout état de cause, l’Etat de droit ne consacre pas l’impunité surtout pas du fait du tâtonnement délibéré au niveau de l’appréciation du privilège de juridiction. Mais il faut noter avec pertinence qu’en droit, la procédure liée à la forme est la sœur jumelle de la justice. Autant les conditions de formes ne sont pas scrupuleusement observées, autant, les conditions de fond ne seront pas
examinées », ont-ils conclu tout en rappelant au Chef de l’Etat, son rôle de Garant du bon fonctionnement des Institutions de la République et du respect de la Loi.
Ces jeunes dénoncent , la violation délibérée de la constitution de ce dossier de Matata.