Bemba, Présidentielle

Par CAS-INFO

L’opposition congolaise marche sur des œufs. Après la décision du chef de l’État, désormais hors course, pour la présentielle de décembre 2018, de désigner son dauphin, tout le monde a vu un boulevard s’ouvrir pour, enfin, une alternance à la tête du pays. La question, est, alternance dans quel sens, de la continuité ou du changement ?

En effet, après une concession aussi majeure que d’accepter de partir – l’opposition y voit plutôt le résultat de la mobilisation du Peuple et de la communauté internationale – Joseph Kabila s’est débarrassé de la pression qui pesait sur ses épaules, qu’il renvoie, dès lors, à ses opposants. Le moins qu’on puisse dire est que le défi ne s’annonce pas simple pour l’opposition qui dispose des dossiers tout aussi compliqués à gérer. Explications.

Pas d’élections sans Katumbi

Après avoir longtemps prôné l’idée d’une transition « sans Kabila », l’opposition va-t-elle se voir inspirée un nouveau slogan, dans le sens inverse, cette fois : Pas d’élections sans Katumbi ?  C’est en tout cas, ce que le ton donné par les leaders d’« Ensemble pour le changement », le Mouvement de Moïse Katumbi, ces derniers heures, en refusant toute idée de concevoir les élections desquelles, leur champion, toujours coincé à l’étranger, ne participerait pas, laisse présager. « Il n’y a pas d’élections crédibles sans inclusivité, sans le retour de Moïse Katumbi », a ainsi rappelé, lundi, le Secrétaire général de la plateforme Katumbiste, Delly Sesanga. La veille, le vice-président, Pierre Lumbi, appelait Joseph Kabila à « lever la mesure qui retient Katumbi injustement à l’étranger ». Une contre-offensive qui paye, du moins, au niveau de l’opposition, car elle a obligé 5 poids lourds de l’opposition et pas de moindres, les déjà candidats, Félix Tshisekedi, Jean Pierre Bemba, Vital Kamerhe, Martin Fayulu et Freddy Matungulu, à signer une déclaration commune dans laquelle ils « exigent » le retour « immédiat » de l’ancien gouverneur du Katanga dans le pays.




Pour l’opposition, c’est un pari risqué car il l’expose à deux difficultés : la première concerne justement le verrouillage des frontières aux dépends du candidat d’Ensemble. En se débarrassant d’un personnage aussi populaire, capable de soulever des masses dans les quatre coins du pays et que plusieurs sondages ont donné gagnant, on voit mal le Gouvernement lever le pied en ce moment crucial sans prendre le risque de renforcer une opposition déjà bien garnie avec le retour de Jean Pierre Bemba, un autre poids lourd du camp d’en face. Par contre, et c’est la difficulté numéro deux, retenir Katumbi le plus longtemps possible hors des frontières nationales, pourrait même s’avérer être l’arme fatale contre une opposition qui lutte déjà contre le temps tout en essayant de resserrer ses rangs.

Une candidature commune de tous les dangers

En attendant, l’opposition discute et tente de se trouver un candidat unique pour espérer l’emporter le 23 décembre 2018 face à Emmanuel Ramazani Shadary. Là encore, trois montagnes sont à soulever : premièrement, la pléthore des candidats. Avec pas moins de vingt candidats se revendiquant tous de l’opposition, l’enjeu est immense. En signant lundi une déclaration, à cinq, plus Katumbi, les poids lourds des grands partis, donnaient-ils déjà un aperçu de ceux qui doivent décider du candidat commun. Donnant l’impression d’exclure une dizaine d’autres ? Une chose est sure, les Muzito, Badibanga, anciens Premier ministres et candidats, risquent de revendiquer leur mot à dire. Tout comme les « petits » candidats, Mokia, Tshiani, et autres, dont le bruit ne pourrait que produire quelques désordres.




Les deux dernières montagnes à surmonter s’appellent Jean Pierre Bemba et…Moïse Katumbi. L’ancien Vice-président de la République, candidat sérieux à la candidature unique, fait, depuis son retour au pays, l’objet de menace de voir son dossier de candidature être invalidé. En cause, son autre affaire de « subornation de témoins » à la CPI, qui, selon la Majorité présidentielle, devrait le disqualifier de la présidentielle du 23 décembre, conformément à la loi congolaise. Résultat, faut-il attendre jusqu’à la publication des listes définitives de candidats retenus par la Cour constitutionnelle avant de se déterminer ? De son côté, Moïse Katumbi qui croit toujours en ses chances n’entend pas en rester là. « Il n’y a pas de candidature commune de l’opposition qui tienne si c’est le pouvoir qui choisit ses adversaires », a prévenu son lieutenant, Delly Sesanga mardi sur Top Congo en insistant que [sans son candidat], l’offre politique qui serait mise sur le marché serait « une offre politique tronquée et boutiquée par la Majorité ».

Au tant dire que le chemin vers les élections est non seulement parsemé des machines à voter mais aussi des propres défis de l’opposition. Une véritable aubaine pour la Majorité et Joseph Kabila qui ne manqueront pas d’exploiter à fond ces divisions qui profilent dangereusement à l’horizon et dont ils sont eux-mêmes les principaux instigateurs. Dans une région des grands Lacs qui a fait ses preuves en matière d’exclusion des principaux candidats des élections – c’était le cas au Rwanda, au Burundi ou encore au Congo Brazzaville – l’Opposition congolaise joue gros.