Par CAS-INFO
Historique. C’est le seul mot possible pour décrire l’événement politique que tout le monde attend à Kinshasa : le procès Vital Kamerhe. Historique parce que pour la première fois dans l’histoire récente du pays, une personnalité très haut placée sera jugée pour détournement de deniers publics.
Pour Félix Tshisekedi, c’est un test grandeur nature de la pierre angulaire de sa doctrine qui consiste à restaurer un État de droit en RDC. Ce procès est cependant à double tranchant car il envoie à la barre son propre directeur de cabinet et principal allié laissant planer un fleuve d’interrogations sur l’avenir politique entre les deux hommes.
De la rébellion de Genève sur les marches du Pouvoir
En effet, le succès présidentiel du leader de l’UDPS n’aurait pu être possible sans la rébellion de Genève en novembre 2018. Sans son revirement, en compagnie du chef de file de l’UNC, alors qu’en plein milieu de la crise du 3e mandat, la coalition Lamuka tentait de trouver un candidat commun, les choses se seraient peut-être passées autrement. L’échec fut hélas cuisant pour la bande à Katumbi. Et un nouveau tandem, inédit, révélé dans l’espace politique congolais : le duo Tshisekedi-Kamerhe.
Pour les centaines de milliers (peut-être un million ?) de Kinois massés le long du boulevard Lumumba pour escorter depuis l’aéroport les deux enfants terribles, du moment, l’espoir renaît. Ils vont pouvoir enfin se débarrasser du régime de Joseph Kabila et son lot de détournements, de pillage et de corruption. Bref, de toutes les antivaleurs révélées dans un nombre infini d’enquêtes sérieuses sur la gestion du pays sous le règne de Joseph Kabila. Les Congolais sont même tout près du but lorsque le 23 novembre 2018, depuis Nairobi, et le « deal » du siècle, Vital Kamerhe s’efface pour laisser un boulevard à Félix Tshisekedi. Ce dernier devra à son tour soutenir l’ancien président de l’Assemblée nationale dans 5 ans lors de la présidentielle de 2023. En attendant, l’urgence pour leur coalition, CACH, Cap pour le Changement, est d’imprimer une nouvelle façon de gouverner résumée en un slogan : le Peuple d’abord!
Un programme d’urgence en panne
Sans la majorité au Parlement, raflée par le FCC, de l’ancien président, les marges de manœuvres sont limitées pour Félix Tshisekedi qui fait de Vital Kamerhe son directeur de cabinet. Les sept mois perdus pour former un gouvernement dominé par le clan Kabila présageaient déjà d’un avenir houleux pour le nouveau pouvoir. Mais le Chef de l’État et son allié marchent eux-mêmes alors sur des œufs en misant sur un programme de 100 jours piloté depuis la présidence par Vital Kamerhe.
Sauts-de-mouton, hôpitaux, écoles, etc. Lancé à coup de grandes publicités, le programme d’urgence est censé révolutionner le pays en quelques mois seulement. Mais les Congolais vont très vite déchanter lorsque les jours et les semaines s’accumulent sans aucune avancée majeure sur les chantiers. En revanche, les travaux, complètement à l’arrêt, compliquent davantage la vie déjà précaire des gens. Tandis que les soupçons de détournement de mêmes fonds affectés aux chantiers mettent en mal la populaire du binôme au pouvoir.
En laissant juger son allié, Félix Tshisekedi fait le pari du droit aux dépends de la politique. Mais le risque est immense, comme le rappellent déjà les états-majors de l’UNC. « La boite de Pandore, on sait l’ouvrir. Mais la refermer, par contre, sans égratignures, est une vraie gageure », prévient même un assistant de l’ancien président de l’Assemblée nationale. Bien loin du slogan « Tshisekedi-Kamerhe, le ticket gagnant » qui coiffe encore son compte Twitter.