Par Frank Badibanga, Avocat, Chef de travaux Chercheur et Analyste Politique

La mise en place de nouvelles autorités de la Commission Électorale Nationale indépendante (CENI) en République démocratique du Congo a spontanément invité un contexte électoral alors que le nouveau Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi est à deux ans et demi de son mandat.

C’est pourquoi chaque officine politique qui a les ambitions aux prochaines présidentielle et législatives cherchent à tirer les ficelles afin de se positionner en ordre de bataille, en perspective des échéances électorales à venir.

Malheureusement, ces stratagèmes politicards ont négativement pollué le débat sur la mise en place du Bureau de la CENI, pourtant déjà bien réglé par le législateur, notamment, sur le partage des responsabilités et la distribution des postes.

Les clivages en présence, représentant respectivement les intérêts d’un bloc ayant un candidat à la présidentielle de 2023, ce qui fait que ce débat, qui devrait être à mon sens technique, offre le spectacle d’une campagne électorale précipitée.

D’une part le camp du Président Félix Tshisekedi fier de son bilan mi-parcours à la faveur du succès sur le plan social avec les importantes réformes sur la gratuité de l’enseignement, la baisse des produits de première nécessité, réforme sur la sécurité, le camp de Joseph Kabila…et le camp de Martin Fayulu leader de la plateforme lamuka qui est soutenu ouvertement par l’église catholique avec à la tête son Éminence Cardinal Fridolin Ambongo et autres.
Les 6 Confessions Religieuses accusées de tous les maux, sont plutôt les gardiennes du temple qui ont décidé de baser leur position sur la réalité socio-démocratique que sur les manipulations politiciennes.

Ce qu’il faut retenir de la prétendue crise

Dans les termes qui peuvent être saisis par le commun de mortels, l’on peut parler de la crise que dans une situation d’anomie. Concrètement, la notion de « crise » est une opposition au principe de « normalité ». De manière beaucoup plus claire l’on peut parler de l’existence d’une situation est qualifiée de « crise », si les démarches qui conditionnent cette dernière ont des caractéristiques considérées comme anormales sur une période donnée et si, sur cette période, les outils de régulation existants s’avèrent inadéquats.

C’est alors qu’une situation présentant des signes d’anomalie ne devient crise que si les organisations compétentes faillissent à restaurer la normalité.

L’anormalité est le caractère de ce qui est anormal, c’est qui n’est pas droit alors que
la normalité est ce qui est conforme à ce dont on a l’habitude, ce qui ne surprend, ne dérange ni n’attire la curiosité car moyen (norme) et considéré de ce fait comme règle à suivre. Il s’agit aussi de ce qui est fait par tout le monde, de ce qui est si commun que la plupart des gens le font.

Il y a-t-il d’anormalité dans la procédure de désignation de Denis Kadima par la majorité de confessions religieuses (6/8) ou allégations d’une minorité (2/8) mécontente du choix de la majorité par ailleurs légal (normal) selon leurs propres textes?. Nous y reviendrons dans les lignes qui suivent.

Ce qu’il faut retenir du prétendu blocage

Le dictionnaire Larousse donne à ce mot les significations suivantes : Action de bloquer ; fait d’être bloqué, le blocage des freins, des négociations ou comportement caractérisé par un refus, une incapacité apparente et provisoire de poursuivre un apprentissage, de réagir à une situation,
l’Incapacité totale à réaliser un mouvement volontaire.

Dans l’une ou l’autre signification sus-évoquée, la désignation de Denis Kadima ne peut peut être prise ni considérée comme s’étant déroulé dans un contexte de blocage étymologiquement parlant ce, avant même d’aborder les arguments techniques au fond et cela pour les raisons suivantes :

En démocratie c’est la règle de la majorité qui tranche surtout dans le contexte d’une élection, peu importe ses ambitions et considérations personnelles; Sur 8 Confessions Religieuses, 6 ont jeté leur dévolu sur Denis Kadima en toute transparence; L’église catholique et l’ECC étant minoritaires ne disposent non seulement d’aucun mécanisme normal, légal pour renverser la décision de la majorité mais aussi et surtout ne peuvent dans ce cas, imposer un blocage au sens normal du terme.

De la Charte des confessions religieuses

L’article 17 de la charte qui régit les confessions religieuses est bien claire, elle prévoit le vote en cas du manque de consensus de toutes les parties sur un nom devant être admis pour occuper le poste de Président de la Commission Électorale Nationale indépendante (CENI).

Par manque de consensus, les 6 Confessions Religieuses ont exercé leurs droits légitimes de s’exprimer par un vote en faveur d’un candidat qu’ils ont estimé, remplir le profil dont la CENI a besoin et cela dans le strict respect de leur charte et de régle de la démocratie, entendue comme étant l’ensemble des valeurs universelles dont la liberté de choix, d’associations, de chances, d’expression…

Pourquoi le débat est-il devenu tribal?

Parce que Son Éminence Cardinal Fridolin Ambongo en tant qu’autorité morale et leader de l’opinion, a non seulement porté ce débat mais aussi en a surtout donné de la voix, du moins, pour ce qui concerne, la mise en place de nouveaux organes de la CENI. Ce qui est malheureusement un très mauvais exemple à déplorer.

Tout en condamnant avec la dernière énergie, les actes de vandalisme dirigés contre l’église catholique et la personne du Cardinal Fridolin Ambongo en demandant l’ouverture d’une enquête sérieuse afin que les auteurs de cet incivisme soient sévèrement sévis, conformément aux principes de l’Etat de droit comme le souhaite le Président de la République Félix Antoine Tshisekedi, j’aimerais noter avec regret que son Éminence Cardinal Fridolin Ambongo a été le premier à lancer le débat tribal en son temps notamment sur la candidature du confrère Sylvain Lumu pour n’est pas le citer en déclarant je cite « Un muluba » ne peut pas être président de la CENI alors que le confrère avait déposé son dossier en bonne et dûe forme pour competir avec d’autres candidats dont le fausseurs Ronsard Malonda.

Ce n’est pas pour une première; son Éminence Cardinal Fridolin Ambongo est a une « mulubaphobie » congénitale au point que pour lui, un ressortissant de cette province, ne peut pas être président de la République. C’est pourquoi il n’a jamais ni toléré ni supporter le Président Félix Tshisekedi du fait de son appartenance régionale. Ses prises de positions tranchées partant de la candidature unique de l’opposition jusqu’à la victoire du chef de l’Etat peuvent en être une démonstration par excellence. Ses réactions émotionnelles tendant tantôt à reconnaître ou à rejeter la victoire de Félix Tshisekedi est la manifestation matérielle de sa haine contre un président Muluba pourtant congolais comme tous les autres.

Dommage que le prélat a fait de son soit disant combat contre les inégalités sociales, une question personnelle aujourd’hui, au point de décider d’exclure de partout où il sera, un Muluba. Compétent ou pas parce que selon lui, avoir un Muluba à la magistrature suprême c’est déjà trop. Il ne rate jamais une petite occasion sans tirer à boulets rouges sur le Président de la République lors de ses différentes sorties même dans un deuil national au mépris de nos valeurs cardinales de l’Afrique noire : « C’est pendant le malheur que les âmes se réconcilient » en tout cas ce n’est pas le cas pour l’évêque Ambongo.

Loin de moi, l’idée de faire l’apologie du tribalisme, à nouveau, je condamne fermement l’exacerbation du radicalisme et tribalisme ces derniers dans le pays et appelle tous les congolais à s’unir autour de la République par le respect strict de ses principes et dans l’intérêt de tous.

J’en appelle également à notre cardinal de revenir au bon sens en unissant au lieu de nous diviser. Je crois, c’est aussi cela, le rôle de l’église.

De la Jurisprudence

Cette situation est relativement similaire au scenario de désignation de l’ancien président de la Centrale Electorale Corneille Nangaa et voire même le cas le plus récent de Ronsard Malonda qui ont respectivement été désigné sans le consentement de l’église catholique et de l’ECC.

Si le cas du fausseur Malonda avait suscité de fortes tensions ayant conduit le Président de la République Félix Tshisekedi de n’est pas le valider, la situation est tout à fait contraire pour le cas de Denis Kadima dans la mesure où ce dernier est bel et bien attaché et reconnu par la confession religieuse « Kimbanguiste » à la différence de Ronsard Malonda qui s’était « frauduleusement » présenté comme délégué de l’église Kimbanguiste pourtant contesté par cette dernière car n’étant jamais ni Kimbanguiste, ni sympathisant encore moins ami à ces derniers [ les Kimbanguistes].

Bien avant ça, le feu Abbé Malu Malu avait été également désigné par 7sur 8 confessions religieuses sans le consentement de l’église catholique et on avait alors parlé du consensus moins un.

Toujours est-il qu’il a été souvent difficile d’attirer l’unanimité autour de soi dans un système démocratique. Ainsi il en est également pour les 8 Confessions Religieuses qui, consciente de cette réalité ont également prévu l’élection en cas de manque du consensus.

Dans l’histoire politique récente de notre pays, les négociations de Sun City qui ont permis la rédaction de la constitution du 18 Février 2006 avait également débouché par un consensus moins un notamment marqué par le refus de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) qui avait alors rejeté plusieurs conclusions de ce compromis, cependant en dépit de son ancrage sociologique et populaire dans le pays, l’accord avait été finalement mise en oeuvre au point qu’en dernière minute, ce parti, alors d’opposition avait décider sans succès de rejoindre le train en marche.

De même que pour la désignation de certains de ses prédécesseurs, la désignation de Denis Kadima à la Commission Électorale Nationale indépendante est bel et bien légale, normale et conforme aux textes et lois du pays et je me permets de conclure au regard de bien d’autres exemples évoqués ici, que Denis Kadima est l’émanation des confessions religieuses assortie d’un consensus moins deux (2) et par conséquent successeur de Corneille Nangaa à la tête de cette institution d’appui à la démocratie.

C’est ici que je voudrais complétement conclure en lançant un appel patriotique à la chambre basse du parlement dirigé avec sagesse par le Président Christophe Mboso Nkodia de traiter le PV des confessions religieuses avec beaucoup de sérieux en l’enterinant conformément à la loi, dans le but de raffermir notre jeune démocratie.