Par le Groupe d’étude sur le Congo
À plus de 3600 mètres d’altitude, le sommet du Mont Sabyinyo marque le point précis où les frontières de trois pays se rencontrent : le Congo, le Rwanda et l’Ouganda.
Cette semaine, de violents affrontements s’y sont déroulés entre l’armée congolaise et le Mouvement du 23 mars ou M23. Cette rébellion avait pourtant été défaite militairement en 2013. Comment expliquer sa réapparition soudaine ces derniers mois?
Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de Po na GEC, la capsule audio qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC.
Je suis Pierre Boisselet, coordonnateur des recherches sur la violence d’Ebuteli, le partenaire de recherche du Groupe d’étude
sur le Congo de l’Université de New-York.
Nous sommes le vendredi 25 mars et
aujourd’hui nous nous intéressons à la résurgence du M23.
Dans la mémoire de beaucoup de Congolais, ce nom rappelle un traumatisme : celui de la prise de la ville de Goma par ce groupe, en novembre 2012. Comme d’autres avant lui, cette rébellion avait, pour cela, reçu le soutien des gouvernements rwandais et ougandais.
Mais contrairement à ses prédécesseurs, le M23 avait été battu militairement en 2013. La victoire pouvait alors laisser espérer la fin d’un cycle de rébellions soutenues par les pays voisins.
Mais à partir de 2017 certains de ses anciens membres dont son chef, Sultani Makenga, ont repris position dans la zone des Virunga.
Leur présence est d’abord restée discrète. Mais tout a changé le 7 novembre dernier. Ce jour-là, le M23 a attaqué trois positions des FARDC. Depuis, neuf autres affrontements impliquant ce groupe ont été recensés par le Baromètre sécuritaire du Kivu, faisant plusieurs dizaines de morts chez les FARDC et le M23 et de nombreux déplacés. Alors, pourquoi assiste-t-on à cette résurgence ? Il y a d’abord la situation des combattants du M23 eux-mêmes. Après leur défaite de 2013, ils se sont réfugiés plusieurs années au Rwanda et en Ouganda. Mais une grande partie d’entre eux n’a pas pu rentrer en RDC dans des conditions négociées, comme cela leur avait été promis, notamment en 2013 et en 2019. Il est possible qu’ils aient repris les affrontements pour faire pression afin de l’obtenir.
Mais le contexte régional semble avoir aussi contribué à envenimer la situation. La RDC est au centre d’une guerre d’influence que se livrent le Rwanda et l’Ouganda depuis des années. Après avoir fait une série de gestes de bonne volonté envers le Rwanda, en début de mandat, Félix Tshisekedi s’est sensiblement rapproché de l’Ouganda en 2021.
La réhabilitation de certaines routes
congolaises a été confiée à ce pays, dont l’axe Goma-Bunagana. Ce dernier pourrait
détourner vers l’Ouganda une partie des routes commerciales qui contribuent aujourd’hui à l’économie rwandaise.
Surtout, en novembre dernier, le président Tshisekedi a accepté le déploiement de l’armée ougandaise dans l’Est du Congo pour qu’elle participe à la traque du très meurtrier groupe ADF. La première attaque du M23, le 7 novembre, a eu lieu alors que cette opération était en discussion.
En réalité, à mesure que Félix Tshisekedi se rapprochait de l’Ougandais Yoweri
Museveni, ses relations ont semblé se tendre avec le Rwandais Paul Kagamé.
Le 8 février, le président rwandais a affirmé que différents groupes rebelles hostiles à
Kigali s’étaient associés sur le territoire congolais, et qu’il serait prêt à agir sans concertation si nécessaire. Il n’est pas venu à Kinshasa le 24 février pour le sommet de l’accord cadre d’Addis-Abeba, censé favoriser la coopération régionale, contrairement à six de ses homologues de la région.
Le 28 février, Félix Tshisekedi a, de son côté, semblé accuser le Rwanda de vouloir
déstabiliser son pays, lors d’une conférence diplomatique à Kinshasa. [diffuser enregistrement : « Il est irréaliste et improductif, voire suicidaire pour un pays de notre sous région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits ou des tensions avec ses voisins »].
De nombreux responsables sécuritaires congolais affirment aujourd’hui que le Rwanda est derrière la réapparition du M23 observée depuis novembre. C’est possible, même si cela n’est pas attesté par des preuves à ce jour. Que cette accusation s’avère ou non, cette nouvelle crise a d’ores et déjà pris une dimension régionale. Le président Tshisekedi a d’ailleurs demandé et obtenu que le contingent kényan de la Brigade d’intervention de la Monusco soit affecté à la lutte contre le M23. Selon nos informations, ces troupes se préparent actuellement à intervenir.
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Par Groupe d’étude sur le Congo