Kabila, Gouvernement

Par Yvon Muya

Moins d’un mois seulement après son départ du Palais de la Nation le 25 janvier dernier, Joseph Kabila fait déjà parler de lui en Republique démocratique du Congo. Énormément. Et pour cause, l’ancien Président de la république que certains avaient, peut-être un peu trop vite, envoyé à la retraite, est revenu de façon fracassante sur la scène politique kinoise.

Le retour de Kingakati 

Il y a d’abord cette opération de communication bien huilée dont lui seul a le secret. Au volant d’une vieille mais luxueuse, tout de même, Mercedes des années 60, Joseph Kabila rend visite le dimanche 17 février 2019 à son successeur Félix Tshisekedi à la résidence de ce dernier à la Cité de l’Union africaine. Le symbole de l’alternance tant attendue est très fort. Un président sortant et un nouveau président élu main dans la main enchaînant les accolades. Les Congolais n’avaient jamais vu de telles images depuis 60 ans.

Mais comme avec le «Raïs» le diable se cache toujours dans les détails, c’est le coup d’après qu’il fallait scruter. Replié dans sa ferme de Kingakati, là même où se sont jouées les plus grandes décisions de ses 18 ans de présidence, Joseph Kabila a sonné mercredi le rappel des troupes. Objectif, faire la démonstration qu’il n’existe aucune ambiguïté concernant la famille politique qui dispose de la majorité absolue au Parlement. Entouré des ministres, anciens et actuels, chefs des partis et membres de sa garde rapprochée. Tous venus lui réitérer leur fidélité. Comme un air de déjà vu, Joseph Kabila a réoffert aux Congolais les images qu’ils connaissent par coeur. Celles du Chef de l’État en réunion stratégique avec l’ancienne majorité au pouvoir… à Kingakati.

« Kabila s’apprête à entamer sa 19e année au pouvoir… »

Certes, il n’y a qu’une seule autorité suprême de la nation (Félix Tshisekedi, ndlr), a vite rassuré l’ex président de l’assemblée nationale Aubin Minaku tout juste sorti du chapiteau de Kingakati. Mais le chef de la Majorité Présidentielle (MP) devenue Majorité Démocratique (MD) s’est aussitôt empressé de mettre les choses au clair. « Il y a une majorité bien identifiée et elle est du FCC », a-t-il déclaré. Une manière de tuer dans l’œuf toute velléité de recours à l’alinéa 2 de article 78 de Constitution qui, en cas d’absence de majorité à l’issue des élections législatives, permet au Président de la république de confier une mission à un informateur en vue d’identifier une coalition.

Manière surtout de montrer que Joseph Kabila a peut-être perdu la présidence mais pas le pouvoir. C’est en tout cas le pas que l’opposition Katumbiste n’hésite pas de franchir. «Les masques tombent. Aujourd’hui comme hier, c’est de Kingakati qu’est dirigée la RDC. L’entourloupe électorale passée, Raïs Kabila n’a plus besoin de faire semblant. Il s’apprête à entamer sa 19e année au pouvoir grâce à sa grande majorité à tous les niveaux », a hurlé Salomon Idi, Conseiller spécial de l’ancien gouverneur du Katanga. En campagne de sensibilisation à l’intérieur du pays sur la ‘’vérité des urnes’’, le candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2018 Martin Fayulu ne cible pas non plus Félix Tshisekedi mais celui qu’il considère comme le véritable tenant du pouvoir. «Je ne laisserai pas Joseph Kabila prendre en otage le destin de tout un peuple », a prévenu mercredi l’ex candidat Lamuka. On le croyait parti, Joseph Kabila continue à faire parler de lui. Jusqu’où ?