Par CAS-INFO
Il a à peine pris ses fonctions qu’il fait déjà l’objet d’un tapage médiatique sans précédent. Avec cette question : face à un pouvoir sortant qui n’est pas vraiment parti, Félix Tshisekedi, aura-t-il vraiment les moyens pour bien mener sa politique et réaliser ses promesses ? Pour nombre d’experts de la politique congolaise, la marge de manœuvre du nouveau président sera particulièrement étroite.
Le régime n’a pas changé
Premier obstacle identifié par l’ensemble d’observateurs, l’absence de majorité pour Félix Tshisekedi à l’assemblée nationale. Avec sa coalition, Cap pour le Changement (CACH), mise en place avec Vital Kamerhe, le Chef de l’État n’a rassemblé que moins d’une centaine de sièges seulement contre 350 revendiqués par le FCC, la plateforme de Joseph Kabila. Pour Bob Kabamba, professeur de science politique à l’Université de Liège, le nouveau Président va avoir du mal à imposer sa politique. Et pour cause, la continuité du pouvoir qui était en place avant l’arrivée de l’opposant congolais. « Il faut savoir que lorsqu’on parle d’alternance, on parle surtout de changement de régime vers un autre régime. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là. Pour la simple raison que le régime ancien qui est censé changer est fondé sur deux piliers, un pilier sécuritaire et un pilier économique, qui sont toujours entre les mains de la famille du Président Kabila », explique le politologue.
En effet, Félix Tshisekedi fait de l’insécurité dans l’est du pays où opèrent des groupes armés multiformes sa priorité et aura donc besoin d’avoir le contrôle de l’appareil sécuritaire. Selon les informations de l’Agence France Presse relayées par la presse, le nouveau Président congolais aurait, lors de ses négociations avec le FCC, arraché trois ministères régaliens, les affaires étrangères, l’intérieur et la défense. Problème, les membres du gouvernement, en particulier des secteurs sensibles comme la sécurité n’auraient que peu ou pas de prise sur les véritables enjeux de la sécurité du pays, souligne Bob Kabamba.
Félix Tshisekedi prône un mandat sans prisonniers politiques. Son gouvernement aura-t-il les moyens de pression au sujet des cas traités souvent en parallèle de la justice par les services des renseignements ? Ex détenu de l’ANR avant de passer près de deux ans à la prison de Makala, l’activiste du Mouvement citoyen Filimbi Carbone Beni n’a pas d’ailleurs tardé à demander au nouveau locataire du Palais de Nation, de relever de ses fonctions le redoutable patron de l’Agence national des Renseignements, Kalev Mutomb. Autrement dit, de virer un des hommes de Joseph Kabila. Difficile d’imaginer une telle embrouille entre les deux Présidents déterminés à travailler ensemble en ce début du quinquennat.
Le peuple d’abord ?
Outre la sécurité, Félix Tshisekedi sait qu’il hérite d’un pays dont la majorité de la population vit sous le seul de pauvreté. Celle-ci représentée par plusieurs milliers de ses partisans jeudi à la cérémonie du Palais de la nation n’a pas hésité de le lui rappeler. «Félix n’oublie pas, Étienne avait dit, le Peuple d’abord», ont-ils scandé en rappelant ce slogan choc, d’Étienne Tshisekedi, père du nouveau Président.
Le peuple d’abord et pas seulement les politiciens, et eux, toujours. Avec peu de députés, et sans doute un Premier ministre et surtout un ministre des finances qui viendraenit du FCC, Félix Tshisekedi aura-t-il des coudées franches pour traduire le slogan de son géniteur en réalité. C’est tout le défi du nouvel homme fort du pays. Dans l’entourage de « Fatshi », on plaide de laisser le temps au temps. «Le pouvoir appelle le pouvoir », veut croire un conseiller politique. C’est tout ce que ses partisans peuvent souhaiter. Histoire d’éviter que l’hyper-Président de l’UDPS ne soit que l’hypo-Président à la tête du pays.