RDC, Joseph Kabila

Par Yvon Muya 

En politique comme dans toute autre vie, c’est la dernière image qui reste. Ça, Joseph Kabila l’avait bien compris. Premier Président de l’histoire de la RDC à céder son fauteuil à un autre Président élu, pacifiquement, le «Raïs» aura mené de bout en bout, et de sa propre main, les séquences qui ont conduit jusqu’à son départ du Palais de la Nation. Retour sur les derniers instants, fous, de l’ancien Président à la tête du pays.

«On a comme l’impression qu’il est soulagé d’avoir quitté ses fonctions». Si, ce genre de commentaires ont inondé les réseaux sociaux au lendemain de la journée historique de passation de pouvoir au Palais présidentiel de Kinshasa, c’est bien la preuve que Joseph Kabila a atteint son objectif, celui d’améliorer son image auprès des Congolais. Une image fortement abimée par les 18 ans de règne, de violences et de tensions socio-politiques. 18 ans, durant lesquels, isolé dans son Palais, le Chef de l’État, ne sera longtemps perçu par la majorité silencieuse, de ‘’Kin’’ ou d’ailleurs, à travers les vastes 2,345 millions de Km2 du territoire national, que, comme ce méchant soldat coupé des dures réalités du vécu quotidien de son peuple et qui le réprime.


Joseph Kabila arrivant à la ceremonie d’investiture de F. Tshisekedi

Alors, comment, en seul jour, renverser la situation et imprimer dans les esprits des Congolais et du monde entier le meilleur Joseph Kabila possible ? Tel était son match, à lui, en ce 24 janvier 2019. Alors que celui qui était encore Président pour encore quelques minutes s’apprêtait à transmettre le bâton de commandement à son successeur Félix Tshisekedi.

Premier acte de cette opération séduction : sa longue et toujours incompréhensible barbe. Contre toute attente, Joseph Kabila fait son apparition dans la Cour du Palais de la Nation débarrassé de sa lourde charge qui trainait depuis plusieurs mois en dessous du menton. Les convives et le pays tout entier qui suit la cérémonie à la télévision nationale découvrent à nouveau le visage jeune, du jeune Joseph Kabila. Par un coup de rasoir, « JK » remonte le temps. Ou comment ramener les Congolais dans les années 2000, de sa prise de pouvoir. Il n’était alors âgé que de 29 ans. Seulement.

Le reste, c’est un « plan com’ » millimétré que l’ancien président appliquera à la perfection. Le sérieux? En ce jour de fête, pour le Président élu, il le laisse à Félix Tshisekedi. Derrière ses lunettes noires, Joseph Kabila laisse échapper en permanence un sourire, qu’il veut sûrement que personne ne puisse oublier quand il sera parti. Laissant ainsi derrière lui, le temps d’un cliché, ce que le publicitaire français Jacques Séguéla appellerait ‘’l’image du notable de province’’ au profit d’une posture beaucoup plus posée, comme expliquait ce conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, à propos d’un autre président français, François Mitterrand. Posture posée mais qui dégage la ‘’force tranquille’’, disait-il. 

Pour Joseph Kabila qui se sait filmé en ce moment par les caméras du monde entier, une seule image doit rester: celle d’un gentleman, qui ne se préoccupe que trop peu du pouvoir. C’est d’ailleurs lui qui casse le premier la glace entre lui et son successeur en faisant tout pour que celui-ci se sente à l’aise. Tantôt, on l’aperçoit chuchoter à l’oreille de Félix Tshisekedi, tandis que, là, il lui cède son siège. Sans en être obligé par les usages protocolaires. Joseph Kabila anticipe le transfert matériel du Pouvoir. Insistant là encore sur un seul message: je suis pressé de partir.

En quittant le Palais de la nation, seul, au volant d’un modeste «pick-up», alors que Félix Tshisekedi qui vient de le raccompagner retournait lui aussi seul retrouver son bureau de Président, en véritable metteur en scène, Joseph Kabila bouclait ce vendredi 25 janvier une opération de communication parfaitement bien maîtrisée.

S’il laissera chez certains les soupçons de combines politiciennes supposées en faveur de son successeur – ce qui pourrait, ici encore, participer à un scénario voulu, concernant sa succession. Scénario consistant à écarter la branche la plus «ennemie» de l’opposition au profit d’une autre beaucoup plus apaisante – Joseph Kabila aura néanmoins profondément soigné son image. A-t-il réussi à gommer celle d’un président qui se sera accroché jusqu’au bout ? Seule l’histoire le dira. Pour le moment, c’est un joueur fair-play quittant le terrain, sourire aux lèvres, que les Congolais viennent d’apprécier. Comme Joseph Kabila l’avait visiblement souhaité.