CENCO, Fayulu, Shadary

Par Yvon Muya 

C’est ce qu’on appelle faire d’une pierre deux coups. Sans le vouloir, vraiment, c’est pourtant le résultat auquel la Conférence épiscopale nationale du Congo a abouti à l’issue de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018 en Republique Démocratique du Congo. Auteure du rapport d’observation le plus en vue de ces scrutins, la CENCO a distribué les cartes. Celles reçues par Emmanuel Shadary et Martin Fayulu resteront particulièrement douloureuses. Explications.

«La CENCO constate que les données en sa possession issues des procès-verbaux consacrent le choix d’un candidat comme président de la république». C’est ce jeudi 3 janvier 2019 que les évêques venaient de ‘’tuer’’ le candidat du Front Commun pour le Congo, la coalition mise en place par Joseph Kabila.

En brandissant l’identité d’un vainqueur dont eux seuls avaient le secret, les prêtres Catholiques renvoient une grosse pression sur le pouvoir, qui tient encore en ce moment-là à imposer son poulain. Car dans la foulée, virulent, le FCC dénonce l’attitude ‘’partisane, irresponsable et anarchique’’.

Le passage en force devient à haut risque 

Ce ton ferme, est pourtant de façade, puisqu en coulisse, « personne n’imaginait défier l’Église Catholique avec tout le risque que celait représentait », confie un ministre FCC. Trois jours seulement séparent alors les états-majors politiques du 6 janvier, date initiale de l’annonce des résultats provisoires. Voilà qui engage une course à la montre. Alors que, de Financial Times à la RTBF en passant par La Libre Belgique ou encore le New York Times, des fuites dévoilent le secret ‘’mal gardé’’ de la CENCO, en faveur du candidat de Lamuka.

À l’autre bout de l’échiquier la contre-attaque s’organise, le cheval numéro 13 n’est plus le cheval gagnant. Trop faible pour l’emporter face aux deux géants de l’opposition mais surtout candidat désormais dans un contexte clivant, à haut risque, devant la montée en puissance des évêques, Emmanuel Shadary – qui a peut-être parlé trop vite au soir du scrutin –  doit s’effacer. Pendant que Kinshasa s’embrase des fameuses rumeurs, coup de massue, qui font état des contacts, intenses, entre Félix Tshisekedi et le clan Kabila. La suite on la connait.

CENCO, une cartouche finalement mouillée

De son côté, conforté par les appels quasi unanimes des missions d’observations électorales « au respect du vote exprimé par le peuple congolais », Martin Fayulu, qui sent en ce moment la vague monter, tente de déjouer l’ultime stratégie d’un Felix Tshisekedi qui n’a plus d’yeux que pour Joseph Kabila. Celui-ci n’est plus un « dictateur » mais un « partenaire de l’alternance démocratique en RDC’’.  Pas question pour Martin Fayulu de laisser à son rival le monopole des chants de sirènes dans les oreilles du chef de l’État. Joseph Kabila, dira aussi, le candidat de Lamuka, « est un citoyen congolais dont la place est ici au Congo ». Trop tard. Le président sortant semble se convenir déjà des garanties offertes par l’autre camp.

Il ne reste alors au candidat numéro 4 que…la carte CENCO. Distancé par Félix Tshisekedi, Martin Fayulu dénonce violemment un « putsch électoral » et appelle l’épiscopat à ‘’publier ses résultats’’. Le refus des princes de l’église est poli mais catégorique. « En cas d’une éventuelle contestation de résultats provisoires par une partie, nous l’exhortons à user des moyens de droit conformément à la Constitution et à la loi électorale. », a déclaré la CENI privant ainsi le fondateur de l’ECidé de sa dernière et précieuse cartouche.

Elle s’était mobilisée contre un passage en force d’Emmanuel Shadary, voilà la CENCO obligée de lâcher également Martin Fayulu. Laissant à Félix Tshisekedi un boulevard grand ouvert.