Par CAS-INFO

La terrible nouvelle est tombée mardi après-midi. Pierre Nkurunziza est mort. Le président sortant de la république du Burundi a succombé lundi à un arrêt cardiaque, à l’hôpital du Cinquantenaire de Karusi. Il laisse un pays en pleines transition et incertitudes.

Le pays se trouve-t-il à la croisée des chemins ? Ou alors la mort «inopinée» de Pierre Nkurunziza ouvre la voie à une nouvelle ère pour le Burundi ? La question se pose déjà, et logiquement, à cause de l’envergure de l’illustre disparu et de son histoire houleuse sur le pays.

Pierre Nkurunziza, c’est, en effet, 15 ans de règne sur le Burundi. Une longévité, dans la moyenne de celle des dirigeants de la région des Grands Lacs, et des accusations en permanence de violation des droits de l’homme. Des opposants et des journalistes emprisonnés ou envoyés en exil comme l’ont souvent dénoncé les organisations de défense de droits de l’homme.

En marge de la crise de 2015 provoquée par sa candidature controversée à un troisième mandant, une centaine de personnes ont perdu la vie et l’ONU a dénombré 400 000 déplacés. Des Burundais qui ont fui la violence pour trouver refuge dans les pays voisins. À cette confluence des crises politique et sécuritaire se sont ajoutées les difficultés économiques alors que 75% de la population burundaise vit sous le seuil de la pauvreté selon la Banque mondiale.

« Guide suprême »

Ces crises ont été terribles pour les Burundais qui avaient déjà dû subir la guerre avant l’arrivée au pouvoir de Pierre Nkurunziza en 2005 grâce aux accords d’Arusha. Mais pour le maître de Bujumbura, c’était son troisième mandant ou rien avant de passer la main. Quitte à faire basculer le Burundi dans un nouveau cycle de violence et une position anti-impérialiste. Contre ces puissances occidentales et leur morale sur les droits de l’homme et la démocratie.

Désastreuse pour un pays dont l’économie dépend en grande partie des aides extérieures, la rhétorique nationaliste de Pierre Nkurunziza a pourtant fonctionné. Lui permettant, grâce au soutien toujours intact de l’armée et des jeunes Imbonerakure, du parti au pouvoir, de garder sa mainmise sur le pays.

Chef de guerre, Président et pasteur, Pierre Nkurunziza a joué avec ces différents titres pour exercer son influence sur le Burundi tout au long de son cheminement. Des titres qui ne lui avaient pourtant pas suffi. Avant de décider de quitter le pouvoir au mois d’août 2020 au profit de son dauphin, le général Ndayishimiye, le Chef de l’État s’était arrangé pour s’adjuger une retraite dorée. En s’octroyant grâce à une loi adoptée en janvier 2020 à l’Assemblée nationale une allocation équivalant à 500 000 euros et une indemnité à vie correspondant aux émoluments d’un député burundais. Sans oublier le titre à vie, de « guide suprême éternel et du patriotisme ».

Un titre qui n’est pas sans rappeler un certain Ayatollah Khamenei, le dirigeant iranien qui règne sans partage sur l’Iran depuis 1989. Nkurunziza, lui, voulait sans doute rester au pouvoir ad vitae aeternam même sans être au pouvoir. Mais c’était sans compter avec cette redoutable réalité, la mort. Devant elle les tyrans les plus redoutables de l’histoire de l’humanité se sont inclinés. À seulement 55 ans, le guide Burundais lui tire, à tour, son chapeau.