Par Yvon Muya
Le Président congolais ne cesse d’enregistrer les félicitations de ses pairs africains et celles provenant d’autres membres de la Communauté internationale. L’un d’eux, le président sud africain, Cyril Ramaphosa, est venu personnellement, ce weekend, à Kinshasa, « prendre note » des progrès « importants », accomplis dans le processus électoral. À l’origine de ce concert de satisfaction, la « décision historique » – l’expression vient d’Isidore Ndaywel – de Joseph Kabila, de renoncer à un 3e mandat, en désignant un dauphin, son ancien ministre de l’intérieur, Emmanuel Shadary.
Si, par ce choix, il a mis fin à un suspense long de plus de deux ans, le chef de l’État, a, toutefois, pris soin de s’assurer que son poulain aura toutes les chances de poser ses valises au Palais de la Nation dans cinq mois. Pour cela, le « Raïs » devait d’abord se débarrasser de la menace la plus sérieuse contre ce projet de statu quo : Moïse Katumbi.
Des affaires en série, à la fermeture des frontières
Car le combat de la non candidature de Joseph Kabila pour un troisième bail au Palais présidentiel, aura été (c’est ?) aussi un combat dans lequel le fils devait « tuer » le père, pour l’empêcher de franchir le Rubicon constitutionnel. En verrouillant les frontières le 3 août 2018 alors que l’ancien gouverneur du Katanga tentait d’accéder au territoire national via la Zambie pour déposer sa candidature à l’élection présidentielle du 23 décembre 2018, à trois jours de la date butoir du dépôt des dossiers à la Commission électorale, sauf changement de dernière minute, tout porte à croire que dans l’état actuel des choses, c’est bien le père qui est en train de « tuer » le fils. En écartant, pour le moment, le favori du scrutin – 33,3 % depuis 2016 avec une capacité de bénéficier du report des voix jusqu’en 2018 – selon un sondage GEC/ BERCI, un, parmi les études les plus sérieuses sur les intentions de vote en RDC. Et dont les sondeurs se sont même vus déclarés persona non grata sur le territoire congolais.
Pour Joseph Kabila qui aura eu (et continue à avoir) le contrôle de l’appareil de l’État tout au long de son bras de fer avec son ancien protégé, le blocus de la frontière entre la Zambie et la RDC n’est que le coup de grâce qui devait finir par arriver après le harcèlement sans fin à l’encontre de l’opposant. Poursuivi dans une série de nébuleuses affaires – spoliation de terrain, recrutement de mercenaires, falsification de documents ou encore détention d’une nationalité « italienne » en concurrence avec celle exclusive de la RD Congo – le ciel électoral du candidat d’Ensemble ne sera jamais éclairci malgré un travail de lobbying sans précédent à l’international ayant permis une tornade de sanctions aussi bien des États-Unis que de l’Union européenne contre la garde rapprochée du chef de l’État.
L’allié onusien, impuissant
Mais face à la mainmise de Joseph Kabila sur des institutions nationales ayant désormais pris une tournure souverainiste, le « succès » international de Moïse Katumbi aura du mal à véritablement se matérialiser sur la scène nationale concernant son sort personnel. L’ex patron du Katanga en verra même la terrible démonstration en juin 2017 lorsqu’il sollicite l’intervention du Comité de droits de l’homme de l’ONU pour obtenir son retour au pays et ainsi mettre fin à un an d’exil (à l’époque). Le refus de Kinshasa à la demande de l’Organe de Genève est catégorique. Le revers place le Président du Tout Puissant Mazembe dans une inconfortable situation, d’un leader politique, « déterritorialisé », qui promet à l’infini son retour au pays sans jamais le réaliser. Tandis que l’impuissance des instances internaionales face aux affaires intérieures des pays, que des dirigeants congolais déterminés ont fortement exploitée, était, de son côté, mise encore un peu plus, en évidence.
En déclenchant les hostilités, en décembre 2014, en plein cœur de Lubumbashi, devant une marée humaine, par sa célèbre métaphore, du 3e faux penalty, Moïse Katumbi se doutait sans doute que sa posture, hyper populaire dans le pays, allait un jour aboutir à un certain mercredi 8 aout 2018, jour où Joseph Kabila allait « plier » devant la Constitution. Mais dans cette guerre des géants, un de deux éléphants devait « mourir » au bénéfice l’autre. Une manche que le Chef de l’État remporte pour le moment. Avant un improbable retournement de situation devant le Conseil d’État, que viennent de saisir les soutiens de l’opposant.