Jeunes du Pouvoir

Par CAS-INFO

C’est un nouveau paradigme qui structure (et a structuré) la stratégie de conservation du pouvoir sur le continent ces dernières années. Bibles à la main, slogans nationalistes mêlés aux chants chrétiens…Battu, selon les observateurs, par Alassane Ouattara, à l’issue du second tour de la présidentielle de novembre 2010 en Côte d’Ivoire, le président sortant Laurent Gbagbo, que tout le monde (l’ONU, l’UA) a abandonné, peut compter sur une armée de fidèles : les Jeunes Patriotes.

À leur tête, le « général de la rue », Charles Blé Goudé. Grâce à ce très populaire ministre de la jeunesse et des Sports, aujourd’hui jugé, depuis mars 2014 pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale, Laurent Gbagbo, qui a déjà perdu presque la moitié du pays sur le front militaire, réussit à garder encore le contrôle de la capitale. Dans cette période agitée de crise postélectorale. Marée humaine dans les stades d’Abidjan, discours anti occidental, l’« armée de la rue » ne tarde pas à voir son nom être associé aux « pires » crimes, selon l’expression de la CPI : barrages, lynchage des civils, parfois brulés vifs, car accusés d’être pro Ouattara. Bref, entre novembre 2010 et Avril 2011, avant la chute de Laurent Gbagbo, ce sont les Jeunes Patriotes qui font la loi.

Un des meeting des Jeunes patriotes, à Abidjan
Malgré l’échec recolté face à Ouattara, la recette fera quand même des vagues ailleurs sur le continent notamment en Afrique de Grands Lacs, une région secouée par la crise constitutionnelle. Accroché au pouvoir alors que son second mandat venait d’expirer en 2015, le président burundais Pierre Nkurunziza finit par s’imposer en écartant tous les obstacles à la fois humains et institutionnels. Dans le même temps dans la rue, le chef de l’État, qui envisage désormais de modifier la constitution pour briguer possiblement deux nouveaux mandats, a su surtout compter sur un appui redoutable : celui des Imbonerakure.

Les Jeunes du CNDD-FDD, le parti présidentiel, sont en effet les maîtres de Bujumbura. Très entreprenants pendant la crise de 2015, ils sont depuis l’objet d’accusations de crimes contre l’humanité par différents rapports, de l’ONU ou d’ONG de droits de l’Homme. Une récente enquête de l’Initiative internationale pour les réfugiés faisait état en Août dernier de meurtres et disparitions forcées dont se rendraient régulièrement coupables les Imbonerakure. Des faits qui expliqueraient le choix de l’exil de milliers de Burundais identifiés comme hostiles au Pouvoir.


Avec ses Bérets rouges, la RDC de Joseph Kabila est-elle en train de prendre le chemin du Burundi ? L’opposition congolaise n’en a en tout cas aucun doute. Au lendemain de la marche du 25 février organisée par le Comité laïc de coordination contre le régime en place et qui a connu une nouvelle vague de répression, le Rassemblement a dénoncé des « milices privées entrainées au Burundi », faisant ainsi allusions aux Jeunes du PPRD, le parti présidentiel. Ces derniers ont été particulièrement mobilisés, eux aussi, pour faire barrage aux manifestants. Auteurs d’un coup d’éclats la veille de la mobilisation de l’opposition, à la Cathédrale Notre Dame du Congo, dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, le Bérets rouges n’ont pas hésité de s’afficher comme « soldats politiques du Raïs ».

Les leaders des Jeunes du PPRD/Photo PPRD
Des soldats Kabilistes, liés (dangereusement ?) aux controversés Imbonerakure ? Pour une cause commune ? Lutter contre l’impérialisme en Afrique et garder le Pouvoir ? Tel était par exemple le thème qui avait réuni dans la capitale congolaise, en mai 2017 (lire notre article à ce sujet), les leaders des jeunes des partis présidentiels de RDC, du Congo Brazzaville, du Soudan, du Cameroun ou encore du Zimbabwe. Problème, tout ne se passe pas toujours comme prévu pour tout le monde. En pleine chute de Robert Mugabe en novembre 2017, humilié par l’armée, le chef des jeunes de la Zanu-PF s’est retrouvé à la télévision nationale…en train de demander pardon.