Par CAS-INFO
Martin Fayulu est-il en train de faire basculer la campagne présidentielle en République Démocratique du Congo ? Resté coincé dimanche dans son avion, à Kisangani, le candidat de la coalition Lamuka, a assuré avoir été empêché de se rendre à Kindu, fief du candidat du pouvoir Emmanuel Ramazani Shadary. « Kindu n’appartient ni à Monsieur Kabila, ni à Monsieur Shadary », a clamé l’opposant, établissant de ce fait le match entre lui et le régime de Kinshasa.
Car, ce « poids mouche » – c’est ainsi que le qualifie le ministre de la communication Lambert Mende – a quand même lancé sa campagne en trombe. Porté en triomphe à Butembo puis à Bunia avant de drainer une véritable marée humaine, à Kisangani, l’autre ancien bastion du pouvoir, le fondateur de l’Écidé jete le trouble dans une campagne préalablement promise pour se jouer entre l’éléphantesque ticket Udps-UNC et le FCC.
Chez nous a #Kisangani_Boyoma toujours derriere le soldat du peuple #MAFA. La population de Kisangani est extraordinaire. Merci pour cet accueil chaleureux @Evebazaiba @MartinFayulu pic.twitter.com/9HR3xq60gW
— Josias (@josias009) 9 décembre 2018
En quittant l’accord de Genève, qui désignait début novembre Martin Fayulu unique candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi (Udps) et Vital Kamerhe (UNC), sous la pression de leurs bases respectives, misaient justement sur le manque supposé d’assise populaire du député de Lukunga pour discréditer l’entente facilitée par la Fondation Kofi Annan. À la tête d’un petit parti, avec à peine trois sièges à l’assemblée nationale, Martin Fayulu réunissait en effet tout pour être le candidat dont l’opposition n’avait pas besoin pour aller au front contre la puissante machine, Kabila.
Mais c’était sans compter avec les poids lourds qui entourent le dossard numéro 4. Parmi eux, l’hyper populaire et ex gouverneur du Katanga Moïse Katumbi a promis ni plus ni moins d’apporter à Martin Fayulu « plusieurs millions de voix ». Tandis que l’ancien vice-président Jean Pierre Bemba, arrivé deuxième à la présidentielle de 2006, a appelé dans une vidéo les Congolais « à se ranger derrière notre candidat commun ». Sans oublier le plébéien Mbusa Nyamwisi, toujours adulé dans le nord-est du pays, qui n’a ménagé aucun effort pour apporter son soutien « sans réserve » à celui qu’il appelle, comme désormais, tous les « Lamuka », « soldat du peuple ».
La vague #MAFA à Bunia #Lamuka pic.twitter.com/tm0Boct7Fa
— Robert Ⓜ️🅰️Ⓜ️🅱️U (@Rob_Mambu) 7 décembre 2018
Dans ses conditions, le succès enregistré par Martin Fayulu dans ce début tonitruant de campagne électorale trouve tout son sens. Non seulement, il fait du candidat issu de l’accord de Genève la principale cible du pouvoir – l’incident de Kindu le démontre – il bouleverse également les calculs de l’autre poids lourd de l’opposition. Avec Vital Kamerhe, leader incontesté de l’est du pays, à ses côtés, Félix Tshisekedi espérait sans doute bénéficier seul des masses populaires si cruciales de la partie orientale de la RDC. Elles lui sont brutalement disputées par un « sans base », venu de l’autre rive du pays. Quand l’ex Katanga, acquis pour une bonne partie aux grandes figures de LAMUKA, ne s’est pas encore montré.
Il reste encore certes les matches décisifs de « Kin », du Centre (dévoué à l’Udps), et de l’Ouest du pays, où les voix seront âprement disputées. En continuant à subir seul la persécution du pouvoir, Martin Fayulu, risque de remporter, déjà, dans ces provinces, le match de l’image, celle de la crédibilité aux yeux des Congolais.