La meilleure défense c’est l’attaque. Le régime de Joseph Kabila a bien assimilé le dicton. Alors que la nomination de Bruno Tshibala au poste de Premier ministre semble ne pas permettre de plier le « match » face à l’opposition dite « radicale », la diplomatie congolaise a choisi de se déployer en masse sur le continent.
Après le puissant « ami » égyptien, les hommes forts du Tchad, de Guinée Équatoriale et du Gabon, le ministre des Affaires étrangères Léonard She Okitundu s’est rendu à vol d’oiseau de l’Est du pays. Chez les voisins de la région des grands lacs. Objectif, le même, « expliquer » et « clarifier » la compréhension du processus de résolution de la crise tel que l’a impulsé le chef de l’État en personne : dialogue et accord de la cité de l’Union Africaine, implication de la Cenco pour plus d’inclusivité et signature de l’accord du 31 décembre 2016 sanctionné par la nomination d’un opposant à la tête du gouvernement. Bref, Chez Nkurunziza, Paul Kagamé et Museveni, le chef de la diplomatie congolaise a donc eu à cœur de présenter un Joseph Kabila attaché à la paix et qui, par les récents développements, a fait preuve de volonté pour sortir le pays de la crise.
Problème, l’analyse de la situation est différente auprès des autres membres de la communauté internationales. Auteur de la résolution 2348 sur la crise en RDC, le Conseil de sécurité des Nations-Unies a pris acte le 4 Mai dernier de la nomination du nouveau Premier ministre, mais note dans le même temps que celle-ci n’est pas approuvée par le Rassemblement, principale force de l’opposition qui conteste toujours à Joseph Kabila le pouvoir d’user de « son » pouvoir discrétionnaire pour nommer.
Alors que le Rassemblement redoute un report des élections et même un « referendum » qui permettrait au chef de l’État de briguer un 3e mandat, l’ONU a « réitéré son appel à une mise en œuvre rapide de l’accord, de bonne foi et dans toutes ses composantes, afin d’organiser des élections pacifiques, crédibles, inclusives et opportunes, au plus tard en décembre 2017, conduisant à un transfert pacifique de pouvoir ». Tandis que L’Union européenne qui dénonce, de son côté une nomination du Premier ministre « contraire » à la lettre de l’accord du 31 décembre 2016 évoque la possibilité de prendre des nouvelles sanctions le 15 Mai prochain.
Haro sur l’ingérence
Dans ce pèlerinage d’« explication », un paradigme est mis en avant par la diplomatie congolaise. Celui de la lutte contre l’ingérence dans les affaires intérieures des États. Portée par le chef de l’État lui-même le 22 Avril au Caire auprès d’Abdel Fatah Al-Sisi, la dénonciation de l’impérialisme occidentale est au cœur de la tournée de Léonard She Okitundu dans les Grands lacs. À Bujumbura, le chef de la diplomatie congolaise a bénéficié non seulement de l’oreille attentive de Pierre Nkurunziza, mais aussi de ses conseils. Empêtré dans une crise de légitimité (similaire) depuis 2014 et son 3e mandat controversé, le président Burundais a suggéré à la RDC de développer « une dynamique interne » de mobilisation du peuple. Un schéma risqué qui a donné lieu à des dangereuses conséquences tout au long du conflit au Burundi.
Resté en retrait ces derniers mois, le Rwanda n’est pas pour autant pas moins intéressé par la situation politique en RDC dont l’instabilité menacera directement sa sécurité. Opposé ouvertement au maintien au pouvoir de Pierre Nkurunziza dont « le peuple ne voulait plus », Paul Kagamé n’a pas, en revanche, pris position clairement dans le débat politique congolais. Sa ministre des Affaires étrangères s’en était déjà chargée en juillet 2016 en marge du sommet de l’Union Africaine à Kigali. Interrogée sur le sort de Joseph Kabila à l’approche du 19 décembre 2016, Louise Mushikiwabo avait fustigé les injonctions de la Communauté internationale en rappelant qu’il appartenait aux Congolais de décider eux-mêmes de ce qu’ils veulent de leur pays.