Par Maître Jean Claude Katende, président de Association Africaine des droits de l’homme (ASADHO)
Je suis un des congolais qui ont milité pour que l’ancien Premier Ministre Augustin Matata réponde devant la justice des faits mis à sa charge dans le dossier Bukanga-Lonzo. Ma position à ce propos n’a pas changé.
Malgré cette position, je n’ai jamais dit qu’on pouvait poursuivre Monsieur Augustin Matata en violant les procédures qui encadrent les poursuites judiciaires contre un Sénateur. Violer ces procédures, c’est porter atteinte aux droits fondamentaux et avantages reconnus par la Constitution et le règlement intérieur du Sénat au Sénateur Augustin Matata.
En juin dernier, le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle avait sollicité la levée de des immunités du Sénateur Matata, mais le Sénat avait refusé de la lui accorder. Ce qui implique qu’aucun acte tenant à poursuivre le Sénateur ne pouvait plus être posé par le Procureur en rapport avec l’affaire Bukanga-Lonzo.
Dans un autre dossier où le Sénateur était encore cité relativement à l’affaire des commerçants victimes des mesures de zaïrianisation, le même Procureur Général près la Cour Constitutionnelle avait sollicité et obtenu la levée des immunités du Sénateur auprès du Bureau du Sénat. Monsieur Augustin Matata a été entendu sur ce dossier et rien n’a été prouvé pouvant justifier qu’il soit mis en accusation. Il est libre.
Alors d’où vient que le Procureur Général ait voulu profiter de cette levée des immunités portant sur une affaire spécifique pour l’entendre sur l’affaire Bukanga-Lonzo pour laquelle sa demande de levée des immunités a été refusée par le Sénat ? A ce sujet, le Sénateur ne peut être entendu que s’il accepte volontairement. S’il refuse, le Procureur Général n’a aucun moyen de droit pour l’y contraindre.
C’est ici que l’injustice commence quand on veut le contraindre à l’audition alors que le Procureur Général n’a aucune autorisation lui permettant de procéder à ce devoir relativement au dossier Bukanga-Lonzo. Donc, il voulait l’entendre par ruse tout en sachant qu’il ne pouvait pas.
Tant que le Sénat n’a pas accordé la levée des immunités de Monsieur Matata, la justice ne peut rien contre lui. Il est un citoyen libre de ses mouvements et de continuer à siéger au Sénat.
D’où vient alors qu’on interdit au Sénateur Matata de voyager pour aller se faire soigner ? Je dis que c’est une injustice. Il est en droit d’aller se faire soigner où il estime nécessaire d’aller.
C’est ici que j’en appelle au Président Tshisekedi en tant que garant du bon fonctionnement des institutions. Il est appelé à veiller ce que toutes les institutions de la République fonctionnent conformément à leur mission est inscrite dans la Constitutions, les lois et règlements. Il doit aussi veiller à ce qu’aucune institution ne soit détournée de ses missions, ne soit utilisée à des fins personnelles ni pour faire souffrir d’autres congolais illégalement.
Je pense qu’en rapport avec l’affaire Bukanga-Lonzo, sans la levée des immunités du Sénateur, on utilise les institutions de l’Etat pour lui faire subir des souffrances qui ne sont pas justifiées ; en lui refusant d’aller se faire soigner.
Le Président Tshisekedi devrait garantir que tout congolais, quel que soit son rang, son positionnement politique ou social, puisse jouir de biens faits de l’Etat de droit.
Le silence du Président Tshisekedi face à cette injustice me semble être une caution à l’utilisation des institutions pour régler de compte politique au Sénateur Matata.
Quand le Sénat aura levé ses immunités en rapport avec l’affaire Bukanga-Lonzo, la justice pourrait alors lui infliger toutes les privations prévues par les lois et acceptables dans un Etat de droit, mais pas à ce stade.
Je crie à l’injustice et demande au Président Tshisekedi d’intervenir pour que le Sénateur Matata soit libre de ses mouvements et qu’il aille se faire soigner. Telle est ma conviction.
Toute personne qui pourrait aider à ce que ce message parvienne au Président de la République aura rendu un grand service à notre jeune démocratie.
Nous devons tous condamner les injustices même si elles touchent nos adversaires politiques, sociaux ou économiques.
Par Maître Jean Claude Katende, président de Association Africaine des droits de l’homme (ASADHO)