Par Pascal Mwamba Kabeya
Pascal Mwamba Kabeya est un Congolais qui travaille dans le secteur du développement des Ressources humaines. Partisan de l’idéologie socio-démocrate, il livre sa lecture sur le combat et l’héritage laissé par Étienne Tshisekedi.
En 1965, Mobutu, alors lieutenant-colonel et commandant en chef de l’armée nationale congolaise, perpètre un coup d’Etat militaire en chassant du pouvoir Joseph Kasa-Vubu, premier président de la République démocratiquement élu. Le jeune officier justifie son coup de force par son souci de mettre un terme aux guerres fratricides qui déchirent le pays, de restaurer l’unité nationale et de garantir le bien-être des citoyens en détérioration constante. Mobutu liquide toutes les institutions républicaines et tous les partis politiques. Grâce à l’appui militaire et financier de l’Occident et à la faveur de la guerre froide, il instaure une dictature des plus féroces qu’ait connue l’Afrique et devient le seul maître du Congo qu’il a rebaptisé Zaïre.
Vers les années 80, Mobutu qui a promis de faire cinq ans au pouvoir, est encore sur le trône. Le lieutenant-colonel est devenu maréchal. Le MPR, son parti unique, est fait de surcroît Parti-Etat, omniprésent dans la vie nationale. Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga, président de la République, se fait, lui, Dieu. Il se nomme maréchal du Zaïre, président-fondateur du MPR, père de la Nation, guide éclairé, I ‘homme-providentiel, le sauveur. Il est président de la République, président du Conseil exécutif (chef du gouvernement), commissaire d’Etat à la Défense, commissaire d’Etat au Plan, chef d’Etat-major des Forces armées zaïroises. A travers tout le pays, on chante et on danse pour le maréchal et pour sa mère, Marna Yemo autour de laquelle se tisse un récit semblable à la vie de la Sainte Vierge Marie…
Pendant ce temps, les détournements des deniers publics, les fêtes fastueuses, les dépenses incontrôlées pour le prestige du régime, la corruption, le népotisme et divers abus de pouvoir finissent par plonger le peuple dans une misère noire indescriptible. Mais personne n’a le courage de le dénoncer. Tout comme les violations des droits fondamentaux qui caractérisent un régime de plus en plus dur.
Mais nul ne peut prétendre tromper tout le peuple tout le temps, disait Abraham Lincoln. En effet, excédés par l’incurie et l’arrogance mobutiste, un groupe de patriotes zaïrois se résout de tirer la sonnette d’alarme à travers une lettre historique adressée à celui-là même qui avait fini par devenir le fossoyeur du Zaïre. Mais, grisé par le soutien de ses sponsors et de ses impressionnants services de sécurité, Mobutu réagit avec une brutalité mémorable. C’est le début des sévices et du maquis des fameux 13 qui donnent plus tard naissance à l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social, UDPS. Commence ainsi une longue lutte contre le système dictatorial de Mobutu, au cours de laquelle s’illustre Etienne Tshisekedi wa Mulumba, un ancien ministre du dictateur, membre de son Conseil législatif (Assemblée nationale), un des fondateurs et idéologue du Mouvement Populaire de la Révolution (MPR). Etienne Tshisekedi ne tarde pas à prendre la tête de cette opposition et de ce combat qu’il va incarner pendant près de 4 décennies.
Quels sont les objectifs du combat d’Etienne Tshisekedi et de l’UDPS ?
Lui qui s’identifiait toujours à son peuple dans l’exerce des fonctions publiques, Etienne Tshisekedi se considère désormais comme la propriété du peuple. Il n’appartient plus à sa famille, ni à lui-même. Il en donne d’ailleurs la preuve en 1963. En effet, revenant d’un voyage en Europe, Tshisekedi apprend, depuis l’aéroport, la mort de son père. Se passant des services du protocole, il se dirige seul sur les lieux du deuil. Pour quelques temps seulement. Il laisse les funérailles se poursuivre sans lui.
Plaçant toujours confiance dans l’avenir, Etienne Tshisekedi a cru dans la capacité des Congolais à corriger les erreurs commises au lendemain de l’indépendance du pays, celle de surmonter les difficultés, de mener leur barque et de regarder l’avenir avec optimisme. Il était convaincu de la volonté des milliers des Congolais à redresser le pays en réhabilitant tout ce qui était bloqué après le départ des Belges. A condition, selon lui, que le peuple décide de disposer de lui-même. Il lui faut, pour cela, des projets et des objectifs clairs, des dirigeants hardis et inspirés.
Tshisekedi rêvait d’une société qui ressemble à celle que Jean-Jacques Rousseau décrit dans son livre le Contrat social. Le philosophe français y affirme ceci : « la vie cesse d’être un don précaire de la nature, (elle est) une renaissance de la société. Les biens ne sont plus une possession, mais une propriété ». Dès lors, il s’est engagé à la recherche de cette société idéale dans laquelle les hommes devaient trouver la justification de leur existence. C’est ainsi que durant tout son parcours Tshisekedi n’a cessé d’appeler à l’instauration d’un État de droits, gage, ne cessait-il de le rappeler, du progrès social. Mais cela était sans compte avec les aléas d’une lutte contre les forces visibles et invisibles qui œuvrent pour diffuser la peur et le fatalisme auprès d’une population chosifiée.
Il lui a fallu beaucoup d’abnégation et de courage pour appeler son peuple à se libérer de la peur afin d’obtenir son propre changement. Aujourd’hui, Etienne Tshisekedi n’est plus. Le combat pour lequel il a investi toute sa vie ne doit pas s’arrêter en si bon mi-chemin. C’est ici que nous avons besoin d’un nouveau Phénix qui peut renaitre et ainsi prendre le bâton de pèlerin qu’Étienne Tshisekedi a laissé en plein processus de démocratisation de notre pays. Il nous a laissé un message, celui de nous prendre en charge.
Le Sphinx de Limete est mort, le temps d’un nouveau Phénix est arrivé.
Pascal Mwamba Kabeya, Activiste congolais