Par Yvon Muya
Vital Kamerhe va tenter de déjouer les pronostics lors de l’audience du 20 juin prochain. C’est la date que le tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe a fixé pour rendre son verdict dans l’affaire de détournement de fonds publics relatifs au programme d’urgence de 100 jours. En attendant, le directeur de cabinet du Chef de l’État a abattu jeudi sa dernière carte. Le procès devient selon lui un procès politique, doublé d’un complot contre le président Félix Tshisekedi.
On le croyait perdu, terminé par ses anciens camarades et d’anciens ministres qui ont défilé à la barre au cours de dernières audiences pour l’enfoncer. Mais c’était ignorer que « l’animal politique » qu’est Vital Kamerhe gardait toujours un dernier tour dans son sac. Alors que ses avocats semblaient désorientés tout au long des plaidoiries, le leader de l’UNC a surpris dans les toutes dernières secondes de la séance en dénonçant brusquement un procès «politique».
La carte de l’opinion
«Ce n’est pas Vital Kamerhe qui est visé, c’est le Chef de l’État», a-t-il déclaré en appelant les Congolais à la vigilance. «Car ce dont il est question ici, peuple Congolais, c’est la survie de la nation», a-t-il prévenu en Tshiluba, Lingala, Swahili et Kikongo, les quatre langues nationales dont il est l’un des rares politiciens congolais à avoir la maîtrise. Sans pour autant préciser le nom de la menace.
Pour Vital Kamerhe, il n’y avait plus vraiment assez d’issues pour manœuvrer. Jouer l’opinion contre l’ennemi invisible qui cherche à déstabiliser le président Félix Tshisekedi, en le visant, lui, était la seule carte qui lui restait. Et il l’a jouée à fond, alors que le procureur général, Kaluba Dibwa, a requis à son encontre, de lourdes peines: 20 ans des travaux forcés et 10 ans d’inéligibilité. Énorme. Pour un homme qui ne cache pas ses ambitions de briguer la magistrature suprême.
Relancer le suspens
« Je ne suis pas choqué ni surpris parce que depuis le début de la procédure, j’avais déjà senti la brutalité et l’acharnement avec lesquels ma personne était traitée. J’ai dit à ma femme que la messe était déjà dite. Vous allez entendre là-bas, dix ans, vingt ans, trente ans…, prépare déjà les enfants à ça », a-t-il soupiré. Difficile de faire mieux dans le registre de la sympathie.
Il faut dire que depuis la fin des débats, jusqu’au verdict, Vital Kamerhe semble réussir son coup. En mêlant théorie du complot et victimisation, en dénonçant une procédure aux allures de chasse à l’homme contre un père et sa famille, l’ancien président de l’Assemblée nationale a réussi à modifier le récit du procès auprès d’une partie de Congolais. Ils étaient nombreux sur les réseaux sociaux jeudi soir à envisager son innocence. Reste à savoir si cela suffira pour convaincre les jurés dans une semaine.