Par Jean Pierre K
À l’entrée de l’avenue Uhru, il faut rouler prudemment sur les magmas rouges. Aussi boueux que glissants. Pour espérer atteindre les hauteurs de Nyamugo. Une favela de Bukavu, où il ne faut pas vraiment avoir besoin des lunettes pour voir la couleur de la pauvreté.
Assis sur les décombres de ce qui était il y a encore un mois, sa maison parentale, Hassani Cédric, la trentaine, remue inlassablement les souvenirs recuits de ce cauchemardesque mardi 10 septembre 2019, quand son logement familial s’écroule sous son regard impuissant, après avoir été ravagé par des violentes flammes de feu.
« C’était notre maison ici », arrive-t-il à peine à s’exprimer quand ses larmes finissent dans son mouchoir qu’il s’empresse à remettre dans sa poche. « La maison était de 12 chambres et deux salons », crie son père, débout à l’entrée d’une cabane en tôles.
Cette concession familiale hébergeait tout le clan. Ils vivent aujourd’hui séparés. « Nous n’avons rien récupéré, tout est parti en fumée », ajoute Hassani sur un ton tremblotant. Sur son smathphone, le jeune homme conserve jalousement les images de cet incendie qui a consumé un quartier entier faisant plusieurs sans abris. Le feu parti d’une batterie qui aurait explosé a embrasé une bonne partie de ce bidonville à l’aménagement territorial anarchique. Les habitations en planches collées les unes aux autres ont brulé en série pendant deux longues et consumé le trésor des habitants.
La main collée à la joue, Mamie vient, elle, de subir une intervention chirurgicale, sa plaie ne s’est pas encore séchée mais elle a expressément convaincu son médecin de la laisser partir pour profiter de la distribution des vivres. Son témoignage fait froid dans le dos. « Je suis mariée et mère de quatre garçons, mon mari était en voyage, les enfants à l’école et moi au marché quand notre maison a pris feu. Regardez ce qui en reste », explique-t-elle en désignant un espace vide avec des tôles entassées.
Des abandonnés de la République?
Tout comme Mamie, plusieurs victimes de ce feu gigantesque squattent dans des cabanes de fortune, parfois sans couverture ni nourriture. L’aide humanitaire publique n’est jamais passée par ici disent-ils. Les victimes, près de 500 ménages, se sont constitués en association pour plaider leur cause. Quelques rares qui le peuvent, ont entamé des travaux de reconstruction mais la majorité des victimes attendent toujours une assistance.
Certains ne digèrent pas que le président de la République soit passé par Bukavu la semaine dernière sans se préoccuper de leur sort. « Même la première dame, qui est la nôtre, une ressortissante d’ici n’a pas pensé à venir même pour compatir à notre malheur », déplore une habitante exaspérée.
Un mois après ce violent incendie, les sinistrés abandonnés à eux même, méditent toujours sur leur sort, leur dernier espoir. La visite de l’ancienne première dame Olive Lembe Kabila, est dans ce contexte vécu comme un véritable cadeau du ciel. Arrivée dimanche à Bukavu, l’épouse de l’ancien président Joseph Kabila a réussi à mobiliser 610.000 dollars à la suite d’un appel de fonds. Ce mardi, elle volera à la rescousse de ces oubliés grâce à son ONG « Initiatives Plus », engagée dans l’action caritative.