Le symbolisme du 30 juin
La République démocratique du Congo, notre pays, est entrée dans le concert des nations indépendantes et souveraines le jeudi 30 juin 1960. La libération, proclamée ce jour-là, résultait d’une longue résistance au phénomène colonial.
En réalité cette lutte plante ses racines dès l’aube même de l’occupation.
Voilà 59 ans que nous commémorons cet évènement. Quelle signification devons-nous donner à cette date ? Était-ce l’aboutissement d’un combat, le début d’une longue lutte ou une étape sur le chemin de l’épanouissement national ? Que visaient réellement ceux qui, pendant plus d’un siècle, ont refusé de se soumettre au joug de l’étranger ?
L’histoire a retenu des noms et des événements ; Nkimpa Vita, Simon Kimbangu, Paul Panda Farnana figurent parmi les pionniers. Albert Malula, Joseph Ngalula, à Kinshasa et bien d’autres à travers le territoire répondront dès 1956 aux velléités des colonialistes belges de perpétuer leur domination sur notre territoire, alors Congo Belge.
A Kinshasa, c’est la publication du Manifeste de la conscience africaine qui ouvre le débat. Etienne Ngandu publiera un texte de la même veine à Luluabourg, avant que l’Abako de Kasa-vubu, Thomas Kanza, Nzeza Nlandu ne réagisse en exigeant plus radicalement la fin immédiate de la colonisation. Patrice Lumumba, Albert Kalondji, Diomi Gaston et leurs compagnons s’organisent, dès 1958, en parti politique au sein du Mouvement National Congolais afin de mieux orienter la lutte.
Dans l’entretemps, les révoltes des tetela, la mutinerie des pende et bien d’autres soulèvements, non encore inventoriés ou documentés par l’histoire, témoignent de la volonté toujours exprimée par notre peuple de vivre libre.
Pourquoi le peuple congolais à travers ses élites, ou lui-même directement, s’oppose à la domination étrangère depuis le XVe siècle. Que cherche-t-il réellement ? A-t-il trouvé le chemin de l’accomplissement de son dessein depuis le 30 juin 1960 ? Quel sacrifice faudrait-il encore faire ?
Le 30 Juin est un jour de souvenir, certes ; mais cette journée doit également constituer un moment de réflexion. C’est une occasion exceptionnelle d’introspection pour ceux qui ambitionnent de contribuer au développement de ce pays.
Peut-on affirmer, comme aiment le répéter certains, non sans une grande légèreté, que notre parcours n’a été qu’un échec ? Sans nier les problèmes, il faut s’inscrire en faux face à cette conclusion non seulement hâtive mais insultante. Le côté positif de nos 59 ans de liberté présente bien des aspects : Les Congolais ont su garder l’unité d’un pays auquel certains, prétendus savants, ne donnaient pas une espérance de vie de 5 ans. Abandonné en 1960, sans élite intellectuelle ni technique formée aux exigences d’une modernité envahissante, la RDC dispose aujourd’hui des cadres administratifs et scientifiques compétents et prêts à s’investir dans le combat pour le progrès. Les forces armées congolaises, crées de toutes pièces à partir de 1960, trouvent progressivement une place respectable en Afrique. Nombreux sont les domaines dans lesquelles la RD Congo a progressé depuis 2001, malgré la relative insécurité.
Nos universités ne sont certes pas les meilleurs d’Afrique et ne figurent pas dans le top 50 des plus prestigieuses, les mieux équipées ou outillées du monde, et pourtant nombreux sont les ressortissants de ces institutions qui exercent avec distinction dans plusieurs secteurs scientifiques de haut niveau dans ce monde concurrentiel. Ceux qui voyagent et s’intéressent à notre diaspora, dénoncent bien évidement, et à juste titre, le comportement de quelques voyous, mais constatent avec bonheur et fierté le grand nombre de nos compatriotes qui brillent partout et contribuent au progrès tant des autres nations que de l’humanité toute entière. Et pourtant, comment nier les énormes difficultés auxquelles nous faisons encore face aujourd’hui ? Nos infrastructures ne répondent pas aux besoins de l’immensité du territoire nationale, notre enseignement ne correspond manifestement pas aux exigences des progrès souhaités. Notre justice fonctionne mal.
Or, c’est la justice qui élève les nations. Aux régimes qui se succèdent à la tête de l’Etat le peuple reproche toujours et encore l’impunité. L’efficacité de notre Administration publique est quasi nulle. La corruption ne se réduit pas malgré les déclarations répétées des dirigeants. Plus les années passent, plus l’économie nationale s’enferme négativement dans des échanges brutalement mondialisés. Et sur le plan interne, il s’avère que la distribution des biens est abandonnée entre les mains des étrangers ; même notre alimentation quotidienne dépend, encore pour beaucoup, du commerce extérieur.
Les positions de tête qui nous occupions jadis sur les marchés des principaux produits agricoles tropicaux ont été perdues. Notre cuivre, notre diamant et bien d’autres produits miniers sont encore exportés à l’état brut. Dans nos vies quotidiennes, dans nos ateliers, bureaux ou écoles, l’inversion des valeurs gagne chaque jour du terrain. A l’ordre et la discipline, nécessaires à toutes démarches de développement, certains proclament, sans gêne, leur préférence de l’anarchie. Contre les valeurs de l’effort, de l’ordre, de l’organisation, de la rigueur et du respect des lois, beaucoup trop d’entre nous choisissent et professent, sans s’en cacher, les voies de la facilité et de la gratuité. Depuis plus d’un demi-siècle s’affrontent, sous nos cieux, avec la complicité des élites, la culture de la responsabilité et de la confiance, base de tout développement et celle de la facilité, du désordre, du laisser-aller, le chemin de la déchéance.
Tout ceci nous indique, si besoin était, que le 30 juin 1960 ne fut en rien un aboutissement, une quelconque victoire définitive, mais seulement une étape, une bataille de gagner, un moment important certes, mais encore très éloigné de l’objectif qui doit demeurer la construction d’une véritable puissance pacifique au centre de l’Afrique. Une puissance assurant les libertés fondamentales à chacun et offrant à ses enfants les meilleures conditions de vie, proportionnellement à ses potentialités et connaissances techniques de l’époque.
Faut-il pour autant confesser que notre situation ne fait que se détériorer ou n’évolue pas suffisamment ? Le pessimisme, le découragement et le manque de confiance en soi-même sont les pires manifestations du renoncement.
Or nous ne pouvons pas nous permettre une telle attitude d’échec.
Chaque 30 juin doit être pour nous le jour du rappel du plus beau vers que le révérend Père Boka a agréablement placé dans notre hymne national : « Nous bâtirons un pays plus beau qu’avant ».
Dans les conditions d’aujourd’hui, pour bâtir un pays plus beau qu’avant, il faut bien évidement, maintenir l’unité nationale, principe affirmé depuis le Manifeste de la conscience africaine, devenu la base du lumumbisme et ensuite souligné par Joseph Mobutu ; ne jamais trahir le Congo selon le précepte de Mzee Laurent Désiré Kabila ; et suivant la démarche constante de Joseph Kabila, travailler à la consolidation de la cohésion nationale en se montrant ouvert à ceux qui ne pensent pas comme vous. Il faudrait encore, prendre pour exemple de probité, la gestion de Joseph Kasa-vubu ; et surtout s’engager fermement dans le combat pour l’abandon résolu et définitif des antivaleurs qui plombent notre avancée sur la route du progrès.
L’histoire a démontré qu’aucun progrès ne peut se réaliser et durer s’il n’est fondé sur des convictions fortes portées par une élite socio-politique déterminée. Or, il se fait qu’actuellement les élites politiques qui confessent le plus résolument leur attachement aux idéaux de souveraineté, de construction d’une économie forte et indépendante, d’un système social tourné vers la satisfaction des besoins du plus grand nombre se trouvent dans la coalition FCC/CACH ; ainsi donc ce premier 30 juin de la coalition doit vêtir un caractère particulier.
Il ne s’agit nullement d’ignorer les contradictions qui traversent et risquent d’affaiblir cette alliance pour la souveraineté et le progrès des Congolais, mais de reconnaitre qu’à ce jour, sur l’échiquier politique national, seule cette coalition FCC/CACH dispose des atouts nécessaires au long combat que nous devons assumer. Les autres politiques demeurent, encore malheureusement, trop attachés aux lobbys étrangers.
Ce 30 juin 2019 doit symboliser le moment d’une nouvelle prise de conscience sur la nécessité de s’armer de nouveau d’une nouvelle espérance afin de relancer la lutte pour l’indépendance. Il ne s’agira pas seulement de combattre les forces impérialistes qui ne renoncent pas à vouloir nous soumettre à leurs intérêts, mais aussi et surtout de lutter contre nos propres faiblesses et les pesanteurs de la culture de la facilité que nous entretenons inconsciemment depuis 1960.
Il est urgent que la coalition FCC/CACH s’engage résolument dans cette voie, en sachant qu’elle sera faite d’embuches multiple.
BONNE FETE
Jean-Pierre Kambila Kankwende
Membre du Pprd
Cadre de la coalition Fcc/Cach