RDC, Course à la montre

Par Yvon Muya

Il y a deux ans, nul ne croyait un tel scénario possible. Malgré l’alternance politique qui a porté pour la première fois et par voie démocratique un opposant à la tête de la République Démocratique du Congo, le pays était toujours sous l’influence de Joseph Kabila, l’homme qui l’a dirigé d’une main de fer pendant 18 ans. Depuis l’annonce par Félix Tshisekedi de mettre fin à la coalition au pouvoir, le vent est en train de tourner.

Contestation et répression

En 2016, alors que la fin de son second et dernier mandat approche à grands pas, Joseph Kabila fait face à une contestation sans précédent. Face à lui, l’opposition politique emmenée par l’incontournable Étienne Tshisekedi, père de l’actuel président, l’ex gouverneur du Katanga et riche homme d’affaires, Moïse Katumbi, les mouvements citoyens mais aussi l’Église catholique qui a rallié les manifestations un peu plus tard. Bref, tout ce qu’il y avait de forces de résistance était mobilisé. Sans pour autant réussir à faire plier le Chef de l’État.

Fort d’un appareil de répression bien en place, Joseph Kabila parvient à franchir le Rubicon sans encombre. Il traverse donc la date fatidique du 19 décembre 2016 censée marquer la fin officielle de sa présidence. Mais à quel prix ? Églises profanées, manifestants tués parmi lesquels des célèbres militants pro démocratie tels que Rossy Mukendi Tshimanga, Thérèse Kapangala et bien d’autres, documentés par les ONG des droits de l’homme. Les deux ans de bonus de Joseph Kabila à la tête du pays sont également mis à profit pour neutraliser définitivement l’opposition politique. Aidé par le décès d’Étienne Tshisekedi le 1er février 2017, à Bruxelles, le « Raïs » a devant lui un boulevard. Il peut manipuler l’UDPS, offrir la Primature à l’aile dissidente du principal parti d’opposition ou coincer en exil, Moïse Katumbi, le seul opposant qu’il redoute désormais.

Le déboulonnement

En faisant le choix de coaliser avec Félix Tshisekedi plutôt que Martin Fayulu au lendemain des élections qui ont fini par avoir lieu le 30 décembre 2018 grâce à la pression nationale et internationale, Joseph Kabila avait sans doute fait le pari de miser sur le profil moins va-t-en guerre du fils du « Sphinx ». Il faut dire que les deux années passées ensemble au sein de la coalition FCC-CACH ont pu lui donner raison. Privé de majorité au Parlement, avec à peine 35% de quelques fidèles au sein du gouvernement, Félix Tshisekedi assure une présidence quasi-protocolaire, nargué régulièrement par des pro Kabila à la tête d’autres grandes institutions du pays.

En sonnant la révolte lors d’un discours historique le 6 décembre 2020, Félix Tshisekedi a non seulement amorcé le processus de sa libération de la tutelle de son encombrant prédécesseur. Le « déboulonnement » en cours du gouvernement de coalition contribue également à écrire la dernière phase de la « révolution » enclenchée il y a 4 ans contre le régime de Joseph Kabila. Dans ce sens, la chute de la présidente de l’Assemblée nationale, la très Kabiliste Jeanine Mabunda, en constitue le symbole le plus éloquent.