Genval, Rassemblement

10 juin 2016. Il y a un an. Genval. Une banlieue bruxelloise du Brabant Wallon. Vit une ambiance inhabituelle. Son paisible lac et le célèbre Château qui le borde sont perturbés par des conversations en lingala. Les clients de l’hôtel l’auront compris. Près de 120 délégués, des opposants congolais sont ici réunis depuis deux jours. Et s’apprêtent à signer l’acte de…Genval. Donnant naissance, numeriquement, à la plus grande coalition de l’histoire de l’opposition rd congolaise : le Rassemblement.


L’hôtel du lac, château de Genval, Juin 2016

Le Château de Genval. Un lieu symbolique du rassemblement des forces de l’opposition. Lieu aussi des retrouvailles. De la poignée de mains entre deux frères ennemis, Étienne Tshisekedi et Gabriel Kyungu. Historique. Du G14 à l’Udps, des plus petits partis aux plus grands, les opposants à Joseph Kabila se tiennent dans la main. Et veulent une seule chose : « faire échec à toute velléité de renversement de l’ordre constitutionnel et de vouloir créer les conditions de la restauration de la dictature », lancera, à la clôture des travaux, le leader de l’UDPS, que tous les partis viennent de porter à l’unanimité à la tête de la plateforme.


À Genval, Étienne Tshisekedi saluant les délégués

L’absence qui fait mal de Vital Kamerhe

Un aboutissement qui ne fut pas un long fleuve tranquille. Loin de-là. Dès les premiers instants de la rencontre, les premiers écueils sont au rendez-vous : une figure importante de l’opposition maque à l’appel. Autour de la table, tout le monde est là. Tous, y compris le secrétaire général et secrétaire général adjoint de l’UNC, le parti de Vital Kamerhe. Sauf l’ancien président de l’assemblée nationale.

Pour justifier son absence qui représente la première faille du front anti Kabila, le chef de fil de l’UNC trouve deux astuces : Il n’a pas souhaité se mêler à cette opposition « caviar », qui choisit de se réunir dans un hôtel « chic » à Bruxelles « alors que nos compatriotes sont entrain de souffrir à Beni ». Le second prétexte de l’opposant, qui redoute, en réalité une main invisible de son rival, l’ex Gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi – qui aurait tout manœuvrer en coulisse – a des accents antis coloniaux. « Se retrouver en juin en Belgique comme en 1959 lors des négociations pour l’indépendance, c’est aussi revenir cinquante-sept ans en arrière. Le combat doit se mener sur le terrain » … Vital Kamerhe vient d’envoyer son premier coup de semonce en direction du tout frais Rassemblement…

…Et son coup d’éclat ne va pas tarder. 3 mois plus tard, la vague Genval déborde sur le littoral du fleuve Congo. La Majorité présidentielle tremble et cherche les moyens de casser la dynamique Rassemblement. Pour y parvenir, la solution s’appelle Vital Kamerhe. Au grand dam de Jean Bertrand Ewanga et de Claudel Lubaya, ses deux bras droits favorables au boycott du dialogue de la cité de l’Union Africaine, le patron de l’UNC rallie les pourparlers sous prétexte d’« éviter une guerre civile au pays », explique-t-il. L’ancien candidat à la présidentielle de 2011 qui amène avec lui quelques opposants, retrouve dans le chapiteau du camp Tshitshi quelques « petits » délégués de Genval dont l’ancienne journaliste Marie-Ange Mushobekwa, ministre depuis le Gouvernement Badibanga formé en décembre 2016.


À la cité de l’UA, Kamerhe promet de convaincre le Rassemblement de participer

La fronde, l’implosion…

Si la défection de Vital Kamerhe n’a pas vraiment permis au camp présidentiel de faire bouger les lignes. L’accord du 18 octobre ne se traduisant pas par le bouleversement attendu de rapport des forces, la « défection » pour l’éternité et brusque, du lider maximo, sonne le glas d’une coalition « qui fait peur » au régime de Joseph Kabila.

Malade et obligé de quitter le second dialogue supervisé cette fois-ci par l’église catholique, au centre interdiocésain, Étienne Tshisekedi décède à Bruxelles le 1er février 2017. Deux mois après la disparition de Charles Mwando Nsimba, l’autre patriarche du Mouvement. Provoquant une incompréhensible guerre des chefs. A l’origine ou pas de la fronde menée par Joseph Olenga – qui conteste la restructuration du Rassemblement visant à porter à sa tête le tandem Félix Tshisekedi-Pierre Lumbi – le pouvoir se frotte les mains et attire vers lui l’un après l’autre une partie d’opposants, notamment, un certain Bruno Tshibala. Porte-parole du Rassemblement et compagnon de longue date du Sphinx de Limete aujourd’hui nommé Premier ministre en lieu et place de Félix Tshisekedi dont la candidature avait pourtant recueilli le soutien de la majorité de partis membres de la coalition. La nomination conduit à l’implosion de la principale force de l’opposition.


Bruno Tshibala, préféré à Félix Tshisekedi au poste de Premier ministre

Relancer le rêve de Genval

Du front uni de Genval pour contrer toute velléité de « dictature », c’est un Rassemblement « émietté » qui lutte désormais entre ses deux « ailes » pour (aile Kasavubu) ou contre (aile Limete) Joseph Kabila. Entre des Genvalistes d’hier qui relayent aujourd’hui à longueur des journées le discours de « glissement » de la Majorité présidentielle, et les autres qui ont résisté aux assauts de débauchage.




Un an après, le Rassemblement, tente, avec un Moïse Katumbi contraint à l’exil, mais gonflé à bloc – grâce à la pression internationale sur le Pouvoir – de faire renaitre une nouvelle force politique. Objectif, exiger les élections à la fin de l’année conformément à l’accord de la Saint Sylvestre. C’est avec « Limete » justement que, le 7 juin dernier, une délégation présidentielle a engagé des discutions autour du représentant de la Monusco Maman Sidikou.

Preuve que le groupe de Tshisekedi, Katumbi, Lumbi continue à constituer un problème pour Joseph Kabila.