Par Yvon Muya
Dans une prison de Makala devenue le centre d’attraction des Congolais de tous les océans, c’était le grand déballage mercredi. Et pour cause, un intervenant pas comme les autres y était présent. Invité à témoigner dans l’affaire de détournement de fonds publics, des 100 jours, Justin Bitakwira, n’était pas vraiment venu arranger les affaires de son ancien mentor, Vital Kamerhe, dans le box des accusés depuis deux mois.
« Le directeur de cabinet a paralysé notre gouvernement »
Une semaine plus tôt, le directeur de cabinet du Chef de l’État avait mentionné la participation du ministère du développement rural du gouvernement Tshibala dans le volet habitat du programme d’urgence du Chef de l’État. Patron du portefeuille, Bitakwira, n’est pourtant associé à aucun processus. «Je dois insister ici que je n’ai jamais été invité à la présidence, ni par écrit ni par correspondance ni par appel téléphonique. », lance, amer, le témoin. « Et j’insiste encore que je n’ai jamais mandaté personne. Secrétaire général soit-il », ajoute-t-il, en jetant un peu plus de trouble dans le chef de Vital Kamerhe. Ce dernier avait affirmé le contraire lors de la précédente audience.
Les deux hommes auront beau affiché leur amitié et rappelé leur parcours commun avant de commencer la confrontation, cela n’aura pas permis d’infléchir les hostilités. Ils viennent en effet tous deux du même « coin », le Sud Kivu, et Justin Bitakwira a même « été président du groupe parlementaire de mon parti », s’est employé à rappeler Vital Kamerhe. Pour autant, « quand le nouveau président de la république est arrivé au pouvoir, le directeur de cabinet du Chef de l’État a paralysé notre gouvernement et nous étions devenus des simples spectateurs », rage, l’ancien ministre du développement rural. En accusant au passage son ancien partenaire de l’UNC, de lui avoir « arraché » le projet de commande de 1500 maisons préfabriquées au profit du ministère de l’urbanisme et habitat.
«Celui qui a engagé la république n’a qu’à assumer. »
« Quand j’ai documenté le projet, j’ai constaté que tous les ministères étaient retenus. Le ministère du développement rural n’y figurait pas. Le directeur de cabinet le sait. Il a payé les primes à tous ceux qui figuraient dans la commission. Je n’y figurais pas. », assène-t-il, encore. Pour Justin Bitakwira, le message était clair. Le procès en cours est une belle occasion de régler ses comptes.
Pas de quoi, pour autant, perturber le prévenu qui réplique aussitôt en pointant les « mensonges » de son ancien ami. « Je voudrai rassurer que la lettre ici ne détache pas à Bitakwira ses prorogatives initiales », contrattaque « VK » en brandissant une lettre du 22 juillet 2019 impliquant, donc, Justin Bitakwira, et le directeur général des marchés publics, Michel Ngongo Salumu.
Un tel échange de correspondances ne peut que prouver la participation du ministre à toutes les opérations. «Cela montre qu’il était au courant », insiste Kamerhe alors que les débats sont cinglants au sujet d’un avenant. Cette clause additionnelle du contrat est supposée avoir été conclue par le gouvernement congolais avec la société Samibo à l’arrivée de la nouvelle équipe présidentielle au pouvoir. Avec, en jeu, 57 millions de dollars remis à l’entreprise de Samih Jammal, le document est au cœur du procès. Justin Bitakwira en connaît-il les contours ? Non, évacue, pour la énième fois, l’ancien ministre qui renvoie la balle au prévenu. « Je n’ai jamais engagé la république. Celui qui a engagé la république n’a qu’à assumer. Si monsieur Kamerhe avait un plan de décaissement et qu’il a mis Samibo sur la liste afin de décaisser les 57 millions de dollars, il n’a qu’à assumer. ». Véritable massacre politique en direct à la télévision.