La République Démocratique du Congo est de nouveau à la croisée des chemins dont elle n’était pas encore, vraiment, sortie. À l’origine, la décision du chef de l’État de passer outre l’accord du 31 décembre conclu avec l’opposition. Joseph Kabila a nommé vendredi Bruno Tshibala au poste de Premier ministre de transition. Problème, ce dernier a beau être membre de longue date de l’Udps. Il venait tout juste d’en être exclu après son ralliement fin février à l’aile dissidente du Rassemblement [principale coalition de l’opposition].
Pas de quoi gêner la Majorité présidentielle pour laquelle « Bruno Tshibala n’est pas moins congolais que Félix Tshisekedi », a tranché le porte-parole du gouvernement Lambert Mende en réponse à ceux qui réclament le fils de l’opposant historique que le Rassemblement choisi à l’unanimité pour diriger le gouvernement de transition.
« Kabila a rempli sa part de contrat »
Censé résoudre la crise née de l’absence des élections qui devaient assurer l’alternance au pouvoir alors que le dernier mandat du chef de l’État a expiré le 19 décembre 2016, l’accord de la Saint Sylvestre fait désormais l’objet de différentes interprétations. « Le chef de l’État a rempli sa part du contrat, il appartient à tout monde de remplir la sienne », s’est empressé de conclure le nouveau Premier ministre. Alors que l’Udps, le Rassemblement et maintenant la Dynamique de l’opposition appellent à manifester le lundi 10 avril pour exiger l’application « stricte » de l’accord.
En lieu et place de la table des négociations, la logique de la « rue » est de retour avec son lot de désolation que chaque Congolais peut déjà redouter. Fort de ce risque des violences qui avaient déjà secouer le pays à la fin de l’année dernière, l’Union Européenne a exprimé samedi ses « inquiétudes », préoccupée, à l’instar du ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders, par le fait que « les autorités de transition ne dispose[ront] pas du large consensus nécessaire ».
Crise à multiples ramifications
Il est peu probable que cela préoccupe autant le chef de l’Etat. Après avoir opéré son « coup », il ne reste à Joseph Kabila que de poursuivre sur sa lancée et de passer à l’étape suivante : s’assurer que Bruno Tshibala qui prend les commandes de la nouvelle équipe gouvernementale pieds et mains liés ne fasse rien du tout dans le sens du reste des points essentiels de l’accord, notamment, l’épineuse question de décrispation du climat politique grâce à laquelle les opposants Moïse Katumbi, sérieux candidat à la présidentielle toujours coincé en l’exil, Eugene Diomi Ndongala ou encore Jean Claude Muyambo devraient regagner le pays ou sortir de prison.
Alors que la résolution 2348 de l’ONU va monter en puissance pour pousser à l’organisation des élections d’ici à la fin de l’année, en nommant un Premier ministre « faible », Joseph Kabila s’ouvre la possibilité de tenir loin de la frontière congolaise le seul candidat capable d’inquiéter la machine électorale au pouvoir et son candidat dont seul le chef a le secret à l’heure actuelle.
Alors que le Rassemblement va reprendre le chemin de la confortation, Joseph Kabila sait qu’il vient de réinstaller le pays sur une voie inconnue. Et il semble s’y être préparé. Les derniers affrontements (19 et 20 septembre – 19 décembre 2016) ont d’ailleurs démontré que le régime disposait des capacités solides pour endiguer (réprimer?) les manifestations. Le fait est que la crise qui a pris des ramifications dans plusieurs domaines, sécurité, économie et la grogne sociale qui monte, risque d’échapper à tout le monde.
Au lieu d’en sortir par l’accord de la Saint Sylvestre, la RDC reste plus que jamais à la croisée de chemin.