Combien des détenus se sont-ils évadés de la prison de Makala ? Combien ont-ils été tués. Près d’une semaine après l’évasion massive dans la principale prison de Kinshasa, des nombreuses questions demeurent sans réponse. Une confusion entretenue (ou voulue) par le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba. Alors que les critiques fusent dans tout le pays.
Après s’être mélangé dans un chiffre hasardeux des prisonniers qui se sont fait la belle (une cinquante seulement), Alexis Thambwe Mwamba admettait, finalement, le vendredi 19 mai à l’Assemblée nationale, n’avoir avancé ce bilan que pour la presse.
Un chiffre minimisé plus de 83 fois
Un rapport manuscrit établi par le Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa renseigne pourtant que ce sont 4191 personnes qui manquent à l’appel après l’attaque de mercredi. Ce qui montre, après un simple calcul, que le ministre a, plus de 83 fois, minimisé les évasions.
Les soucis du garde des sceaux sur les chiffres n’étaient que la suite logique d’une gestion catastrophique de la situation. Dès la fin de l’attaque, sans attendre, Thambwe Mwamba s’est empressé de designer le coupable.
« Les miliciens de Ne Muanda Nsemi ont organisé une attaque de la prison. Plusieurs parmi eux avaient des armes de guerre et ils ont réussi à faire évader Ne Muanda Nsemi et plusieurs prisonniers », a accusé le ministre de la Justice. Suscitant doute et interrogations autant au sein de la classe politique que dans l’opinion.
Noix de palme contre armes ?
Les regards tournés vers la secte de Bundu Dia Kongo et l’évasion de son chef spirituel Ne Mwanda Nsemi ont ajouté à la confusion, l’incrédulité. Habituellement, les « Makesa », nom de code des BDK, se battent au moyen des noix de palme, comme ils l’ont démontré le 3 mars 2017 lorsque le gourou Ne Kongo se faisait cueillir dans sa résidence de Ma Campagne par les forces de l’ordre. Ce qui n’a, pourtant, pas empêché le gouvernement de les désigner comme les suspects numéro un.
Au-delà de l’identité des assaillants, c’est tout le système carcéral et sécuritaire qui est aujourd’hui remise en question. Car, comment expliqué qu’une forteresse comme la prison de Makala (c’est ainsi qu’elle doit être nommée) – où sont gardés les assassins de Laurent Désiré Kabila, des prisonniers politiques (emblématiques) ou encore des bandits de grands chemins – comment peut-elle être une cible aussi facile ? Ou, comme l’a demandé le député UDA (opposition) Claudel Lubaya, pourquoi, s’ils avaient eu vent de la préparation de ce « coup », les services de renseignements n’ont rien fait pour le déjouer ? Comment enfin, dans une ville si vaste, où les forces de l’ordre écument chaque coin de rue, Ne Mwanda Nsemi peut-il se permettre ce genre de liberté sans se faire interpellé ?
Répondre rapidement à ces questions par des mesures sincères et responsables est la seule façon pour le gouvernement de sortir par le haut de cette cacophonie. Autrement…autrement, c’est donner du grain à moudre aux théories conspirationnistes-elles sont déjà nombreuses – qui Il n’y voient ni plus ni moins qu’une manœuvre de plus pour renvoyer les élections attendues à la fin de l’année, aux calendes grecques.
Et, à chaque du gouvernement, les deux autres évasions, intervenues, dans la foulée, à la prison de Kasangulu dans la province du Kongo centrale et à Kalemie, dans le Tanganyika, ne sont pas de nature à arranger cet imbroglio.