La crise qui menace d’implosion le Rassemblement tourne à l’affrontement à distance et par clans interposés entre les deux hommes les plus influents de la coalition : Moïse Katumbi et Raphaël Katebe Katoto. Il s’agit, surtout, d’une guerre fratricide qui s’annonce sanglante entre les frères Soriano que le destin politique semblait pourtant lier. Lorsqu’en marge du conclave de Genval, juin 2016, ils se sont retrouvé autour du patriarche Étienne Tshisekedi. Le décès de l’opposant historique a tout changé.

« Il est mon frère, mais j’ai la liberté de choisir ma voie »

Jusque-là, le duel était resté sous-terrain, les deux hommes avançant d’abord chacun leurs pions. Le G7 et l’Alternance pour la République (AR) pour Katumbi, qui obtient, jeudi, la désignation de Félix Tshisekedi et de Pierre Lumbi à la tête de la nouvelle direction du Rassemblement, ainsi que la suspension quelques jours plus tôt de Katebe Katoto par les instances de l’AR pour sa sortie polémique sur le choix du Premier ministre. Réplique immédiate des plateformes pro Katebe qui portent à leur tour Olenghankoy à la présidence du Conseil des sages en réhabilitant, au passage, l’homme d’affaires de sa suspension.

Mais, face à l’ampleur de la crise, ce jeu de cache-cache ne pouvait durer longtemps. C’est le grand frère qui l’a sorti au grand jour. Interrogé samedi sur l’état de ses relations avec Moïse Katumbi, Katebe Katoto a exprimé, sans détour, le malaise qui existe désormais en lui et son ancien protégé.

« Moïse Katumbi est mon frère. Pour lui, je suis même le papa, Je l’ai fait grandir […] Mais ici, nous sommes sur un autre terrain. Il a choisi sa voie, mais laissez-moi la liberté de choisir la mienne », a déclaré l’ex sénateur en conférence de presse.

En effet, l’approche entre les deux frères désormais « ennemis » face au régime de Joseph Kabila est aux antipodes. Pour Katebe Katoto, le rapprochement avec le chef de l’État n’est plus à exclure. « Nous avons nous-même accepté de le maintenir au pouvoir », a-t-il martelé lors de sa conférence de presse à Kinshasa. Tandis que Moïse Katumbi qui réagissait dans la foulée sur la brouille au sein du Rassemblement, adoptait, quant à lui, un ton plutôt offensif contre le chef de l’État qu’il a accusé d’acheter les opposants pour déstabiliser le Rassemblement.

Leurs hommes

Dans ce duel à distance, les deux frères « ennemis » peuvent s’appuyer sur leurs hommes de confiance. Et, à ce sujet, avantage à Moïse Katumbi. Face à son puissant ainé, l’ancien gouverneur  du Katanga peut compter sur une palette d’anciens ministres et une grande partie de l’Udps de Félix Tshisekedi. À ses côtés, l’ancien président de l’assemblée nationale Olivier Kamitatu est l’homme à tout faire, à Bruxelles comme à Kinshasa. Mais il y a aussi Christophe Lutundula qui maitrise les questions des institutions comme sa poche ou encore José Endundo et beaucoup d’autres. Sans oublier le tonitruant « Baba » du Katanga, l’ancien président de l’assemblée provincial Gabriel Kyungu qui jure de porter « Moïse » au Palais de la Nation.

Face eux, Katebe Katoto semble avoir déjà recruté le bouillonnant Olenghankoy aux côtés duquel on a pu apercevoir les anciens ministres Roger Lumbala, tout juste rentré d’exil, Freddy Matungulu, ancien argentier de Joseph Kabila passé dans l’opposition ou encore Bruno Tshibala, un des numéro 2 de l’UDPS, exclu depuis ce ralliement au camps des frondeurs.

Jusqu’où ira leur argent ?

Car, entre Moïse Katumbi et Katebe Katoto, c’est surtout une affaire de porte-monnaie. Multi millionnaires reconnus de tous les Congolais, leur contribution financière n’aura échappé à personne dans la conception et la mise en place de ce Rassemblement qui devait faire trembler le pouvoir en plein débat sur la fin de mandat de Joseph Kabila.

Problème, egos et ambitions personnels sont passés par là.  Autant ils ont réalisé l’exploit de réunir plusieurs opposants, autant leur puissance financière commence à menacer dangereusement le projet d’alternance clamé haut et fort à Genval et dans lequel des millions des Congolais ont cru.

En tout cas, au vu de la détermination de Katebe Katoto à devenir le prochain Premier ministre. Ce qui éloignerait la perspective pour Moïse Katumbi de revenir au pays concourir à la présidentielle, mais qui relancerait l’homme d’affaires sur le terrain national après des années d’exil, et au vu de la détermination de l’ex gouverneur du Katanga à être le prochain président…, il n’y a pas besoin d’être un prophète pour constater la mort future, s’il n’en est pas déjà une, du Rassemblement.

A moins que, et c’est ce que peuvent espérer les partisans de l’opposition, des hommes d’Etats et non les politiciens, dans les deux camps, sifflent la fin de la récréation et reviennent vite à la raison.