Présentés d’abord comme des simples « criminels » ou encore des « jeunes drogués », les miliciens du Grand chef Kamwina Nsapu se révèlent finalement être une grosse épine, une de plus, sous le pied du gouvernement congolais. Finis la communication politique et les sous-estimations d’un problème qui ronge, désormais, à petit feu, une partie du pays jusque-là épargnée par la violence depuis l’avènement du régime Kabila. En dépêchant sur place à Kananga une forte délégation conduite par le vice premier ministre et ministre de l’intérieur, Kinshasa montre qu’il prend maintenant au sérieux le phénomène Kamwina Nsapu.
« Nous sommes venus ici pour la paix et la sécurité », a déclaré Emmanuel Shadari à son arrivée dimanche dans la capitale provinciale. Le chef de la sécurité intérieure qui a par ailleurs reconnu l’impact des derniers affrontements dans le territoire de Dibaya sur la paix dans la province a assuré être venu « régler ce problème sur le plan coutumier et politique »
Mwene-Ditu contaminée
En se mobilisant ainsi depuis le haut sommet du pays, le gouvernement semble avoir pris la mesure de la situation. En effet, malgré ses moyens dérisoires, la vague Kamwina Nsapu a commencé à se propager dans tout l’espace du Grand-Kasaï. De Tshimbulu, fief du Grand chef Kamwina Nsapu où tout a commencé, à Kananga en passant par le territoire de Dibaya, aujourd’hui, c’est la ville ferroviaire de Mwene-Ditu à l’autre bout de la province de Lomami qui est touchée.
Comme dans le territoire de Lwiza au Kasaï-Central, la veille, Mwene Ditu a vécu la terreur qu’elle n’avait plus connue depuis la guerre de l’AFDL. Écoles, églises, marchés. Tout a été perturbé durant tout le weekend par des miliciens qui jurent de marcher sur la ville jusqu’à Mbuji-Mayi, a alerté le maire de la ville Anaclet Tongu interrogé par CAS-INFO.
Quelles solutions ?
Pour un conflit qui a tout d’un problème purement local, le ministre de l’intérieur Emmanuel Shadari a mobilisé une palette des chefs coutumiers, des élus locaux, provinciaux et des députés originaires de la province. L’objectif est clair : rassurer les troupes de Kamwina Nsapu que rien ne semble arrêter malgré la mort de leur leader – abattu lors d’un assaut des forces de l’ordre en Août 2016 à Tshimbulu – que le gouvernement ne vient plus en ennemi, mais en ami, sous un arbre à palabre.
Mais, la paix qu’est allée aller chercher Emmanuel Shadari nécessitera que des têtes tombent. Celle du gouverneur de la province en premier. Convoqué en consultation à Kinshasa, Alex Kande risque de ne plus rentrer à Kananga avec son titre de gouverneur. Lui qui s’était exposé dans cette crise en s’en prenant ouvertement au Chef Kamwina Nsapu allant jusqu’à l’accuser de s’être entêté. Kande risque de perdre son poste. Les bruits de son remplacement sont persistants à Kinshasa.
Reste que ces mesures purement politiques risquent de ne pas suffire. Dans une ville de Tshimbulu (fief de Kamwina Nsapu) où la population était habituée à vivre de son diamant, plus rien ne sort des terres depuis des années. Conséquence, la guérilla Kamwina Nsapu dont personne ne connait les motivations a su surfer sur les frustrations des centaines des jeunes délaissés, qui ont vu leur avenir s’assombrir chaque jour un peu plus et dont la seule alternative s’est avérée pour eux : se battre.
L’absence de contenu dans ce conflit est à sujet révélateur de ces frustrations et devrait interpeller le gouvernement à trouver le bon mot et à poser le diagnostic qui convient à la situation. S’il ne veut pas être débordé par le fantôme de Kamwina Nsapu partout. Dans tous les provinces du Kasaï.