Par Yvon Muya

L’information a surpris jusque dans le camp même du chef de l’État. Alors qu’il inaugurait, dans la journée, des sauts-de-mouton à Kinshasa, Félix Tshisekedi n’a laissé ftiltré aucun soupçon à propos de la petite bombe qu’il allait lâcher aux petites heures du 1er janvier 2021. En désignant Modeste Bahati Lukwebo au poste très convoité de l’informateur, le jour de l’an, le président congolais s’offre son joli « coup » de la Saint-Sylvestre et bouscule encore un peu plus une classe politique déjà très agitée.

Après avoir neutralisé la coalition FCC-CACH au pouvoir et obtenu le renversement de la direction kabiliste de l’Assemblée nationale, le chef de l’État sait que le pays est dans une situation critique et qu’il faut aller vite. Sans un gouvernement pourvu de pleine légitimité, il est difficile de répondre aux besoins urgents des Congolais. Alors que les défis, aussi bien sanitaires, sécuritaires, que socio-économiques, continuent à s’accumuler.

S’il n’est que simple informateur, à ce stade, Bahati Lukwebo pourrait se révéler être l’homme de la situation dont Félix Tshisekedi a besoin pour concrétiser sa vision de l' »Union sacrée ». Plus grande force politique après le PPRD, l’ancien ministre de l’économie de Joseph Kabila revendiquait le statut d’incontournable au sein du FCC avant de tomber en disgrâce avec l’ancien président et de se voir confisquer les clefs de son AFDC-A. En remettant en selle le sénateur de Bukavu, au cours de dernières semaines, il ne faisait aucun doute que Félix Tshisekedi misait déjà sur l’ex bras droit de Kabila pour écrire le prochain chapitre de son quinquennat.

Pour la petite histoire, créer la sensation politique le jour de l’an, l’Afrique centrale avait déjà connu pareille expérience. En 1965, la République centrafricaine est au bord du gouffre en raison de la corruption, la pauvreté et les rebellions qui minent le pays. Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 1966 le général Bokassa prend le pouvoir et inaugure l’expression restée célèbre du « coup d’État de la Saint-Sylvestre ». À Kinshasa, ce n’est pas la même histoire mais la mission confiée à Bahati Lukwebo en qualité d’informateur laissera sans doute aux historiens une nouvelle « Saint-Sylvestre » mémorable, celle d’un coup de génie de Félix Tshisekedi dans son opération de reconquérir la majorité au parlement.