Par Siméon Isako
Le Président de la CENI, Denis Kadima Kazadi était invité au Parlement européen, siégeant à Bruxelles, pour un échange de vues sur la situation de la République démocratique du Congo avec, en point d’orgue, les élections générales qui sont prévues le 20 décembre 2023.
Le numéro un de la Centrale électorale était accompagné de Christian Ndongala Nkuku, ambassadeur de la RDC en Belgique et auprès de l’Union européenne.
Le Parlement européen suit de près l’évolution de la situation en RDC notamment dans le domaine de la sécurité, des droits de l’homme, du développement et de l’aide humanitaire. Occasion pour Denis Kadima de faire un état des lieux du processus électoral en cours avec un aperçu sur les étapes traversées et celles à venir.
La députée européenne Pierrette Herzberger Fofana, vice-présidente de la Commission développement, représentant l’Allemagne au sein du Parlement européen, a conduit le débat qui a découlé de l’exposé de la plus haute hiérarchie de l’institution chargée de l’organisation des élections en RDC.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Denis Kadima Kazadi a, d’entrée de jeu, situé le contexte de la mise en place du bureau qu’il dirige nommé après 28 mois de retard.
« Malgré le retard qu’a connu la mise en place du nouveau bureau de la CENI intervenue avec 28 mois de retard, nous tenons à organiser les élections de bonne qualité et dans le délai constitutionnel avant fin 2023. Aussitôt, nous avons mis en place des outils de bonne gouvernance, à commencer par un Plan stratégique qui montrait clairement la nouvelle vision de la CENI en nous appuyant sur un concept anglais Rebranding. Nous sommes conscients qu’au fil de trois cycles électoraux, la CENI n’a pas développé une très bonne image d’elle-même. La mauvaise réputation de l’institution nous a précédés et nous avons dans notre Plan stratégique décidé d’améliorer la qualité des services à rendre et d’avoir une large ouverture avec les parties prenantes en renforçant nos relations avec elles. Nous avons mis en place une cellule de passation de marchés et d’audit interne. Sur le plan des opérations, le plus grand défi, c’est de tenir le délai. C’est ainsi que nous avons élaboré une Feuille de route qui laisse apparaître les différentes étapes à franchir. Celle-ci a montré les risques auxquels le processus faisait face : politico-sécuritaire, au plan financier sur la ponctualité dans le décaissement des fonds. Et il fallait aussi penser au cadre juridique, revoir la loi électorale, les difficultés logistiques à prendre en compte, les risques sanitaires (époque Covid-19). Le 26 novembre 2022, nous avons publié notre calendrier électoral et nous nous sommes attelés à travailler d’arrache-pied en fonction de cela. Mettant en place des cadres de concertation avec les partenaires pour présenter le travail que nous faisons, mais aussi les écouter et, le cas échéant, aller dans le sens souhaité, quand cela s’avère possible, voire légal. Nous nous sommes employés à accréditer les observateurs pour le long terme par souci de nous montrer transparents. Ce qui auparavant n’existait pas. Aujourd’hui, en RDC, nous avons des observateurs qui ont commencé le travail avant même l’enrôlement des électeurs. Bien avant l’enrôlement, nous avons débuté par la cartographie des centres d’inscription et nous avons tout fait pour qu’aucune province ne perde le nombre des centres, le pays étant vaste. Et cela nous a permis d’organiser l’enrôlement. Le cadre juridique a été revu avec la collaboration de la CENI par le Parlement et aujourd’hui, nous avons une nouvelle loi électorale. Le préalable pour organiser l’enrôlement puis les élections, c’est la carte d’électeur et tout un tas de services qu’il fallait rendre sur une période fort limitée », a fait observer Denis Kadima Kazadi qui s’est appesanti sur l’approche suivie par son équipe pour corriger autant que possible et rectifier le tir.
«Nous nous sommes montrés très réceptifs au regard des commentaires et des critiques formulées à l’égard de nos prédécesseurs. Ainsi, partout où il y avait des problèmes, nous nous sommes appliqués à innover et à corriger. En 2018, on a épilogué sur 6 millions d’électeurs sans empreintes digitales. Nous avons amélioré dans la prise des empreintes digitales en introduisant celle de l’iris, en réduisant la taille du kit d’enrôlement, de 21 à 13 kg. Avec un système de pré-enregistrement des données biométriques des requérants via le téléphone portable. Ce qui, à l’évidence, a permis d’enrôler un plus grand nombre et pour ma première fois, nous avons enrôlé les Congolais vivant à l’étranger, dans 5 pays que nous avons choisis pour cette phase pilote, notamment en Belgique, en France, en Afrique du Sud, au Canada et aux USA. L’enrôlement a été difficile à l’Est du pays, avec un accès difficile à certains endroits. La CENI a perdu 36 personnes des agents y compris les policiers », a fait observer le numéro un de la Centrale électorale avant de faire part aux parlementaires européens des chiffres réalisés et évoquer la question de l’audit externe effectué sur le fichier électoral.
« A part, les difficultés logistiques, la CENI a réalisé un autre exploit : celui d’enrôler les Congolais en 4 mois, de décembre 2022 à avril 2023, jamais fait auparavant. L’enrôlement au Congo se déroulait généralement au-delà d’une année. Nous avons pu enrôler 43 955 481 électeurs. Contrairement à ce qui se fait ailleurs, après s’être fait enrôlé, le requérant revient avec deux ou trois mois pour chercher sa carte d’électeur. En RDC, la carte est délivrée sur place. Conséquence : des gens organisent de multiples enrôlements, des mineurs qu’on fait enrôler. Nous avons mis en place un système très rigoureux pour déceler les cas de doublons qui en a éliminé 3 300 000 (mineur y compris) en plus de 140 000 photos de photos. Nous avons invité l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) pour l’audit externe du fichier électoral. Malheureusement, elle s’est retirée parce que le temps imparti pour cet exercice n’était que de 6 jours. Bien plus, il y avait une certaine méfiance, du fait que sa secrétaire générale est du Rwanda pays qui se cache derrière le M23, mouvement terroriste qui sème la désolation à l’Est du pays. Nous avons dû recruter une équipe mixte composée des nationaux et des internationaux qui a fini sa tâche récemment et rendu ses conclusions en jugeant, après coup, le fichier électoral que nous avons préparé fiable. Ils ont évidemment fait des recommandations à la CENI qui va devoir les appliquer à la lettre. Après cette étape, nous avons publié les statistiques sur l’enrôlement des électeurs et soumis, dans le même temps, au gouvernement l’avant-projet de loi sur la répartition des sièges au niveau du Parlement. L’étape prochaine, c’est la convocation de l’électorat pour la députation nationale le 25 juin 2023. Nous avançons en dépit des difficultés, nous n’avons pas pu enrôler à Masisi et Rutshuru et avons réservé des sièges à ces localités pour qu’elles ne soient pas laissées de côté. Après cela, nous allons ouvrir la réception des candidatures pour la députation nationale suivie de la provinciale et les locales. Le 1er septembre, nous recevrons les candidatures pour la Présidentielle. La campagne va commencer et il y aura les scrutins. La CENI d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier et nous attendons les observateurs de l’Union européenne pour le constater par eux-mêmes », a-t-il conclu. La partie interactive qui s’en est suivi a eu l’avantage de jeter la lumière sur les préoccupations que les députés européens ont soulevées.
Pour sa part, Pierrette Herzberger Fofana a réaffirmé le soutien de l’Union Européenne en soulignant que le partenariat avec la RDC n’a cessé de se renforcer ces dernières années. Non sans avoir indiqué que « nous nous tenons aux côtés de la RDC et les élections générales à venir représentent un moment fondamental pour consolider la démocratie et permettre aux Congolais d’exercer leur droit démocratique et de choisir leurs dirigeants. Nous espérons qu’elles se tiendront de manière équitable, calme et transparente ».
Et de renchérir : « La priorité de l’Union européenne est de travailler pour la paix et la sécurité. Notre Parlement a appelé la communauté internationale à prendre des mesures concrètes pour mettre un terme aux violences en cours, soutenir le dialogue et la médiation ».