Par Siméon Isako
Évoquant son bilan économique devant les journalistes internationaux réunis le 19 septembre à New York, aux États-Unis, Félix Tshisekedi est revenu sur la revisitation du contrat chinois. Séduit par le travail abattu par le gendarme des finances publiques, le président de la République a rappelé que l’Inspection générale des finances « est tenue et dirigée par un homme très brillant, Jules Alingete». Un fait rare pour être souligné.
Depuis 2020, l’IGF est à l’avant-plan dans la lutte contre la corruption en RDC avec plusieurs rapports éloquents. L’engagement de ce haut fonctionnaire compétent et intègre lui a valu un prix du prestigieux magazine américain Forbes International et des invitations au Parlement belge, au Parlement européen, au Cameroun et, tout récemment, en Afrique du Sud.
Permettez-moi de ne pas parler ici de ces contrats entre la République démocratique du Congo et les entreprises chinoises parce que je n’ai jamais fait partie des négociations. Mais, j’avais tracé une ligne qui montre les principes que je défends. C’est-à-dire nous voulons un partenariat qui soit gagnant-gagnant, win-win.
Jusqu’ici, nous avons constaté, et je ne suis pas le seul à le dire, j’ai parlé de l’Inspection générale des finances, qui est tenue et dirigée par un homme très brillant, Jules Alingete, pour ne pas le citer, qui a fait le constat que, depuis que nous avons contracté cette entente avec les Chinois, les entreprises chinoises ont gagné près de 10 milliards de dollars et la RDC même pas 1 milliard. C’est vraiment disproportionné comme partenariat et il fallait donc le rééquilibrer, a-t-il détaillé.
Mais lors de son récent voyage en Chine, dit-il, les choses ont évolué positivement. « Nous avons été heureux de constater que nos partenaires chinois étaient disposés à nous écouter et ont compris que la RDC avait raison de regarder les choses de cette manière. Ils ont fait un constat malheureux que, jusque-là et malheureusement, avant nous, il n’y avait pas ce genre de considération. Donc ce n’était pas eux de faire le travail de la RDC à la place des Congolais« , a-t-il ajouté.
Voilà pourquoi, explique Tshisekedi, les entreprises chinoises ont été enthousiasmées par la proposition de la partie congolaise de revoir ce partenariat dans le but de faire gagner aussi la République démocratique du Congo. Et nous sommes repartis dans une nouvelle aventure, cette fois-ci pour ne pas laisser un des partenaires frustrés.
Alingete en première ligne dans la revisitation du contrat chinois
Dans les négociations tempétueuses sur la revisitation du contrat chinois, mines contre les infrastructures, l’intraitable Jules Alingete Key, patron de l’Inspection générale des finances (IGF), n’attendait nullement céder aux chinoiseries des firmes de l’empire du Milieu, qui en faisaient un peu trop.
Le 10 juillet dernier, le tempéré Jules Alingete a monté d’un cran sur l’échelle de l’ire, décontenancé par l’attitude hautaine des délégués des entreprises chinoises, Crec, Sinohydro et Exim Bank. Ce jour-là, au sortir du Palais de la Nation – l’équivalent de la Maison-Blanche en RDC-, le chef de service de l’IGF s’était offusqué de ce qu’il a qualifié de néo-colonialisme jaune auquel, d’après lui, les Congolais ne sauront se soumettre. Fin février, le rapport de l’Inspection générale des finances dénonçait le caractère déséquilibré de ce contrat chinois conclu du temps de Joseph Kabila, voilà 15 ans.
Non seulement la Sicomines, la joint-venture créée par le Groupement d’entreprises chinoises (GEC) et la Gécamines n’a guère apporté « quelques milliards de dollars » comme s’en vantait le 1er ministre, Matata Ponyo, en mai 2012 devant l’Assemblée nationale, mais surtout nombre d’infrastructures, pour lesquelles la partie chinoise se trouvait en droit de puiser cobalt et cuivre dans le cooperbelt katangais, et nul doute d’autres minerais connexes non déclarés, n’ont point connu un début de commencement d’investissements dans les infrastructures.
– Non-respect des engagements –
Il s’agit notamment de 3000 km de chemins de fer, 31 hôpitaux de 150 lits et 145 centres de santé dans chacun de 145 territoires de la RDC.
La valeur initiale de tous les projets convenus dans ce troc était de 6,5 avant d’être réduite de plus de moitié, 3 milliards de dollars, suite à des pressions du FMI, et en coulisses, des pays occidentaux. Pour autant, Jules Alingete déplore que la RDC ait apporté dans la société minière d’économie mixte, outre des gisements évalués à plus de 50 milliards de dollars, un régime d’exemptions fiscales qui n’a guère porté les effets escomptés.
Alors que les entreprises chinoises ont déjà tiré plus de 10 milliards de dollars de bénéfices dans le cadre de ce partenariat! La RDC ne s’est jusque-là contentée que du menu fretin, des infrastructures évaluées à 822 millions de dollars, du reste surfacturées, foi de l’IGF.
Pour Jules Alingete, au regard des apports de chaque partie dans Sicomines, il est clair comme l’eau de roche que la RDC a été flouée, car ses parts sont établies à 32% contre 68 pour le GEC. Ainsi, Alingete et son IGF mobilisent-ils le comité stratégique engagé dans les négociations avec les Chinois à ne pas fléchir tant les revendications de la RDC sont toutes fondées.
Le comité stratégique comprend notamment les ministres des Infrastructures, du Budget, des Finances, des Mines, la Gécamines, l’Agence de pilotage de coordination et de suivi de convention de collaboration signée entre la RDC et les partenaires privés (APCSC), le secrétariat exécutif de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) et naturellement de l’IGF. Jules Alingete tient mordicus à faire obtenir une réparation financière conséquente pour les griefs relevés dans le contrat chinois.
Et ces dommages et intérêts doivent être assortis, primo, d’un changement dans la répartition du capital et des bénéfices dans la Sicomines.
Secundo, la joint-venture minière doit reposer sur une nouvelle répartition équilibrée des responsabilités ainsi qu’une augmentation du montant des investissements chinois dans les infrastructures, au moins du simple au double, soit de 3 à 6 milliards de dollars à court terme, avant de porter l’addition à 17 milliards de dollars.
Tertio, le respect de délais dans la construction et la livraison des infrastructures convenues. Du côté chinois, à défaut de poser un véto aux réclamations de Jules Alingete, l’on semble plutôt construire une muraille autour des avantages acquis du temps de Kabila. Autre temps, autres mœurs, rétorque-t-on à l’IGF.