Par CAS-INFO

C’est une interview qui risque de marquer sa présidence pour longtemps. Non pas parce que le président congolais a eu le privilège d’être le premier invité exceptionnel de la nouvelle saison de l’émission « Internationales » diffusée sur TV5 Monde. Mais surtout parce que Félix Tshisekedi a dit plus d’une fois des choses qu’un président ne devrait pas dire.

« La Belgique est mon autre Congo »

Interrogé dès l’entame sur le sens de son « la Belgique est mon autre Congo », des mots forts prononcés la veille devant le patronat belge, Félix Tshisekedi, ne s’est pas dérobé. « C’est l’expression de ce que je ressens », a par contre assumé le Chef de l’État. La justification de sa déclaration d’appartenance, à son « autre pays », le président congolais la trouve dans son histoire personnelle. Lui qui a passé la moitié de sa vie au pays du roi Beaudouin, en fuyant, avec son illustre père Étienne Tshisekedi, la dictature de Mobutu. « Je suis arrivé [alors que] j’avais 21 ans et demi. Vous comprenez, c’est mon autre Congo. Sans avoir besoin d’avoir la nationalité [belge], je me sens chez moi en Belgique », a-t-il insisté. Dédramatisant au passage les relations tendues entre son prédécesseur et l’ancienne puissance coloniale. En son temps, Joseph Kabila, n’avait pas en effet hésité à dénoncer l’attitude « néocoloniale » de l’Union européenne au premier rang de laquelle, la Belgique, très critique à l’égard de la politique répressive menée à Kinshasa pendant la crise de 2016.

Certes, Félix Tshisekedi, qui est un des rares politiciens les plus vertueux du Congo, ressent le besoin d’exprimer en toute honnêteté le sentiment qu’il éprouve en tant qu’être humain à l’égard du pays qui lui a offert son hospitalité. Le problème est cependant que, depuis le 24 janvier 2019, l’ancien leader de l’UDPS n’est plus responsable de lui-même mais de la République Démocratique du Congo toute entière. Or, celle-ci a une histoire dont la page la plus douloureuse reste la colonisation belge avec son lot de violence, de privation et d’esclavage.

Il est vrai que le président congolais, fait partie, comme il l’a souligné, lui-même, de la nouvelle génération des dirigeants africains qui veulent tourner la page de la colonisation afin de s’inscrire dans la mondialisation en tablant sur la croissance économique. Il ne faut pas pour autant oublier les torts causés par la colonisation aux pays africains. Cela passe par un discours d’exigence qui dépasse tout ressenti personnel. Ce qui n’était pas le cas avec Félix Tshisekedi ni au cours de son voyage à Bruxelles ni lors de son interview à TV5.

Au Congo, « les rétrocommissions, c’est légal »

La flamme d’amour du Chef de l’État, à la Belgique, n’est pas le seul sujet qui fait polémique à Kinshasa et sur les réseaux sociaux. Il y a aussi sa réaction au sujet du sulfureux dossier des 15 millions de dollars disparus du trésor public et qui éclabousse son directeur de cabinet Vital Kamerhe. Pour Félix Tshisekedi, il ne s’agit pas d’un détournement de fonds publics mais d’une affaire des rétrocommissions. « Vous savez, il y a une forme de corruption, par exemple, quand on reçoit des rétrocommissions… Sous d’autres cieux, c’est illégal mais au Congo, c’est légal », a expliqué le président en plaidant une pratique encrée dans les mentalités des Congolais depuis des décennies et qu’il se donne pour mission de combattre.

Reste qu’en tant que garant de la loi et chantre de l’instauration d’un État de droit, le président congolais peut bien mener ce combat sans trouver devant la face du monde la moindre vertu aux rétrocommissions qui demeurent un véritable scandale financier dans tout pays digne de ce nom.

Félix Tshisekedi qui veut déboulonner les antivaleurs et la corruption, va toutefois s’appuyer sur un office de changement de mentalité qu’il vient de mettre en place. Une agence qui a pour objectif de moraliser la vie publique. D’abord par une approche pédagogique avant de passer à la répression. C’est un peu aussi cela la méthode Tshisekedi qu’il faut finalement lire entre les lignes dans cette interview.