Par Yvon Muya
Le président congolais a pris son temps. Plus d’un mois après l’arrestation de son directeur de cabinet désormais jugé pour détournement de deniers publics, Félix Tshisekedi, a enfin amorcé ce qui ressemble bien à un processus de divorce. En désignant mardi un remplaçant, à titre intérimaire, de Vital Kamerhe. Certes tout peut encore arriver avec les politiciens congolais qui en ont déjà fait preuve, mais entre ces deux-là, l’heure de la rupture, officielle, a sonné.
Ne pas donner l’impression de conspirer contre un allié
La rupture. Mais en toute tranquillité. Car contrairement à la pression ambiante de l’opinion publique, et de l’opposition, la stratégie de Félix Tshisekedi a semblé depuis le début du scandale, consister à temporiser, à laisser passer le vent avant de trancher.
Il faut dire que la situation était délicate pour le Chef de l’État. Porté au pouvoir sur la promesse d’apporter le changement dans un pays où la corruption et le détournement de l’argent du trésor public étaient devenus des valeurs pendant des décennies, Félix Tshisekedi devait également trouver la bonne formule pour ne pas donner l’impression de conspirer contre son principal allié. Sauf que la première audience du procès Vital Kamerhe, le plus médiatisé de l’histoire de la Republique Démocratique du Congo, vient de passer par là. Avec tous les rebondissements possibles, susceptibles d’ébranler la maison Tshisekedi. Comme le prévenu en a donné un avant goût.
Une responsabilité collective
«Ce programme [de 100 jours] n’est pas le fruit de monsieur Kamerhe. Il est avant tout élaboré et a été approuvé par le Chef de l’État lui-même avant sa mise en exécution », a ainsi lancé le leader de l’UNC lors de sa première comparution. Comme s’il cherchait, d’emblée, à adresser un avertissement aux uns et autres alors que le procès n’en est qu’au stade de clarification des procédures. Qu’importe. Pour Vital Kamerhe, le temps, et la télévision nationale, pouvant lui permettre d’atteindre les Congolais des quatre coins du pays, étaient propices pour dire sa vérité. Y compris en pointant du doigt, « [tous] les neuf membres de la coordination des travaux des 100 jours». Comme, étant, implicitement, co-responsables des faits lui reprochés. Parmi eux, des proches du président de la république, dont l’ambassadeur itinérant du Chef de l’État, Nicolas Kazadi, déjà auditionné par les enquêteurs.
De quoi semer un peu de doute dans le camp présidentiel. De quoi, aussi, provoquer ce changement brusque, bien que provisoire, de la direction du cabinet présidentiel. Même si, en choisissant l’option de l’intérim plutôt que la révocation, Félix Tshisekedi, entend bien garder la main dans cette guerre à distance qui vient de commencer. En retournant la pression sur Vital Kamerhe qui ne pourrait pas jouer la carte de la victimisation. En tout cas pas pour l’instant.