Jusqu’au bout, il aura dicté sa feuille de route et ses propres choix. Depuis ce vendredi soir, la République Démocratique du Congo a un nouveau Premier ministre. Il s’appelle Bruno Tshibala. Il est de l’opposition. Mais, de l’autre opposition. Celle qui a fait défection des rangs du Rassemblement. Principale coalition des forces acquises au changement.
N’empêche. Pour Joseph Kabila, il vient de jeter son dévolu sur un ancien bras droit d’Etienne Tshisekedi. Jusqu’il y a quelques semaines encore secrétaire général adjoint de l’Udps, principal parti d’opposition. Face aux pressions extérieures ou celles de la frange du Rassemblent dite radicale, le chef de l’Etat a de quoi plaider une nomination d’un membre du Rassemblement tel que le prévoit l’accord de la Saint Sylvestre.
Ne pas ressusciter Tshisekedi
Pourtant, le poste était promis à Félix Tshisekedi. Le fils de l’opposant historique de la scène politique congolaise avait les faveurs des pronostics. C’est lui que sa plateforme avait choisi, à l’unanimité. Mais Joseph Kabila n’en a pas voulu. Pas question pour le chef de l’Etat de s’encombrer d’un Tshisekedi. Le vieil opposant est certes décédé. Mais, à travers son fils propulsé à la tête du Rassemblement, son esprit planait encore à Kinshasa. Il hanté la Majorité présidentielle qui a tout fait jusqu’au bout pour éviter le scenario Tshisekedi sur la rue du roi Beauduin [où se trouve le siège de la Primature].
Autour du chef de l’Etat plusieurs caciques du régime Mobutu toujours présent dans le premier cercle du pouvoir ont, sans doute, encore, en mémoire des moments de tensions entre Tshisekedi père et le Maréchal. L’un Premier ministre, autre président. Pour une transition tendue des années 1990. Ils n’ont pas visiblement voulu raviver ces souvenirs par une nomination de Félix Tshisekedi.
Vider l’opposition de sa substance
En tout cas, Pour Joseph Kabila son pari est en passe d’être remporté : noyer à petit feu l’opposition. Très en forme avant la date fatidique du 19 décembre 2016, marquant la fin officielle du mandat du chef de l’État, le Rassemblement qui était capable de déstabiliser la capitale et une grande partie du pays a fortement baissé de régime. Jusqu’à se faire prendre au piège d’un dialogue sans fin avec le pouvoir. Le résultat on le connait, une multitude de blocages jusque dans les moindres détails et des défections en série du côté des amis de Félix Tshisekedi.
Prochain rendez-vous, la formation du gouvernement Tshibala avec les derniers assauts attendus du pouvoir dans rangs déjà clairsemés du Rassemblement. Histoire de pêcher le reste des poissons et espérer liquider définitivement la plateforme de Genval et son ambition pressant d’alternance dans le pays.
Seule incertitude dans cette course folle engagée par le pouvoir : ni Joseph Kabila, ni sa Majorité, encore moins le Rassemblement lui même. Nul ne peut prédire si à l’heure actuelle la crise est terminée. La réponse est moins sûre.