Par Maître Jean-Claude Katende, avocat et président de Association africaine des droits de l’homme (ASADHO)
Maître Jean Claude Katende, président Association africaine des droits de l’homme (ASADHO), a donné de la voix ce jeudi 02 septembre au sujet de la condamnation à 20 ans depuis plus de 9 mois d’Abdallah Bilenge, ancien directeur général.
Le président de cette ONG de défense des droits de l’homme, décrie la condamnation jugée « irrégulière » de Bilenge et appelle la cour de cassation à annuler cette décision prise en premier ressort.
Voici l’intégralité de la réflexion de Jean Claude Katende.
Certaines affaires judiciaires ne vous laissent la paix que quand vous les suivez de loin. Mais quand vous les approchez en prenant le temps de les lire et de les analyser, vous avez la conscience chargée et vous manquez de paix. L’Affaire ayant abouti à la condamnation à 20 ans des travaux forcés et autres peines de Monsieur Bilenge Abdallah, ancien Directeur Général de la Régie des Voies aériennes, en est une. Elle me dérange en tant que citoyen.
Après avoir lu le dossier, je me sens troublé et interpelé.
Monsieur Bilenge Abdallah a été condamné, en 2021, à la peine de 20 ans des travaux forcés, l’interdiction pour 5 ans après l’expiration de la peine au droit au vote et d’éligibilité et interdiction d’accès aux fonctions publiques ou parastatales… pour avoir détourné les fonds destinés à payer les charges fiscales (12.230.496230,84 FC), sociales (9.846.345.423,84 FC) et socio-professionnelles (8.050.957.388,81 FC) par la RVA.
Il n’est un secret pour personne que toutes les entreprises du portefeuille transformées en sociétés commerciales (MIBA, GECAMINES, REGIDESO, RVA, SNEL, SNCC, SODIMICO…) ne réalisent pas de recettes capables de couvrir toutes les charges salariales, fiscales, sociales et socio-professionnelles. Elles sont toutes en état de faillite qui ne dit pas son nom.
A la fin de chaque mois, avec le peu de recettes disponibles, les Directeurs Généraux sont appelés à faire de choix sur les charges qu’il faut couvrir totalement ou partiellement. Beaucoup choisissent de payer les salaires des agents, pour éviter les crises sociales, et de couvrir les charges d’opération pour faire fonctionner tant soit peu l’entreprise. Faute des moyens, ils sacrifient les charges fiscales, sociales et socio-professionnelles. Il arrive aussi que quand les recettes permettent de payer même en partie les charges fiscales, sociales et socio-professionnelle, elles sont payées. C’est cette situation que Monsieur Bilenge Abdallah a connu à la RVA durant la période où il était Directeur Général.
Est-ce que le fait de n’avoir pas payé les charges fiscales, sociales et socio-professionnelles faute des recettes suffisantes constitue un détournement des fonds publics ?
Monsieur Bilenge Abdellah a été condamné à des peines si fortes pour n’avoir pas payé les charges fiscales, sociales et socio-professionnelles alors que les recettes mensuelles étaient insuffisantes.
Je considère ceci comme étant une injustice à l’égard de Monsieur Bilenge Abdallah.
Cette injustice devient grave quand nous savons que les autres entreprises du portefeuille connaissent la même situation, mais leurs Directeurs Généraux ne sont pas inquiétés. Les charges fiscales, sociales et socio professionnelles ne sont pas payées faute des recettes suffisantes.
Selon les données provenant du Ministère du portefeuille, les dettes fiscales, sociales et socio-professionnelles, pour les exercices 2016, 2017 et 2018, de certaines entreprises du portefeuille à s’élèvent à 2.667.103.115 USD(RVA), à 3.343.164.326 USD(GCM), à 752.224.468 USD(REGIDESO), 6791.841.520 USD(SNEL), à 655.333.739 USD(SCPT).
Les chiffres ci-dessus sont donnés à titre exemplatif, mais la situation concerne toutes les entreprises du portefeuille. Toutes ne paient pas ou paient partiellement les charges fiscales, sociales et socio-professionnelle.
Si la situation est telle, pourquoi ce défaut de paiement desdites charges devient un détournement à la RVA, mais pas dans les autres sociétés de l’Etat ?
Pourquoi seulement Monsieur Bilenge Abdallah est inquiété par la justice et non pas les autres Directeurs Généraux ?
Vous voyez pour quoi ma conscience est troublée. C’est seulement injuste.
Aujourd’hui, 8 mois après le départ de Monsieur Bilenge Abdallah de la RVA, cette entreprise ne paie toujours pays ses charges fiscales, sociales et socio-professionnelles pour les huit derniers mois. Pour quoi, le nouveau Directeur Général n’est pas poursuivi en justice au motif qu’il aurait détourné l’argent destiné à payer lesdites charges pour les 8 mois qu’il vient de passer à la tête de la RVA ?
Article 149 de la Constitution dispose que « …La justice est rendue sur l’ensemble du territoire national au nom du peuple ». Faisant partie du peuple, en tant que citoyen, ce que même la décision condamnant Monsieur Bilenge Abdallah est aussi rendue en moi. Comme tel est le cas, j’ai le droit de protester quand une décision rendue au nom du peuple congolais trouble ma conscience ou me semble injuste. Ainsi, j’estime que cette décision n’est pas juste ni équitable.
Toutes les congolaises et tous les congolais épris de paix et de justice devraient élever leur voix ensemble avec moi contre cette condamnation.
Les juges de la Cour de Cassation en charge de cette affaire actuellement devraient l’examiner avec beaucoup de compétence, indépendance et sagesse pour prendre une décision juste.
Tous nous voulons que la justice congolaise s’élève, mais nous voulons aussi qu’elle soit juste et équitable. C’est à cette condition que nous construirons une démocratie solide et protectrice de tous.
Une décision juste et équitable mettra fin au trouble de ma conscience.