Par Christian Bosembe, chercheur en Droit constitutionnel et chroniqueur politique
La rupture était prévisible. Et le chef de l’État, Félix Tshisekedi vient de concrétiser le vœu du peuple congolais, celui de se débarrasser de Joseph Kabila.
L’ancien président est resté dans sa bulle en refusant avec sa caste d’opportunistes jouisseurs, d’intégrer la nouvelle dynamique devant amener le pays vers le développement.
Pourquoi le divorce Félix Tshisekedi et Joseph Kabila ?
Deux raisons principales fondent notre réflexion. Premièrement, Joseph Kabila a acquis ce pouvoir lui légué par son défunt père. Et son parti, le PPRD n’a malheureusement lutté que pour la conservation du pouvoir. Bref, le pouvoir pour le pouvoir. Le pouvoir à tout prix. Un pouvoir qui martyrise et clochardise le peuple.
Félix Tshisekedi, c’est le contraire de JKK. Il est né dans la contestation à la recherche du bien-être de la population. Toute son action est orientée vers le peuple. D’où, « le Peuple d’abord ».
Deuxièmement, les contradictions congénitales entre les deux leaders. Si pour Félix Tshisekedi, le pouvoir, c’est servir le peuple. Kabila, dans sa conception du pouvoir, c’est se servir lui-même d’abord. Pour preuve, tous les gisements miniers et pétroliers que la Kabilie a acquis avec des prête-noms au détriment de la pauvre population. Une richesse insolente qui cohabite avec une misère noire. Conséquence, le camp Kabila affiche l’arrogance, le chantage mais dégageant une peur bleue sur l’incertitude de l’avenir.
Les deux concepts diamétralement opposés sur la notion du pouvoir ne pouvaient que conduire au divorce.
L’échec de la coalition FCC-CACH
La confusion entretenue par les hommes de sérail de Kabila a poussé au clash. Si l’ancien président a obtenu certaines garanties au prix de l’alternance démocratique civilisée, il n’était pas question d’une prime à la délinquance ou à l’insubordination de ses acolytes.
Malheureusement, les états-majors de Kabila ont voulu amicaliser la gestion de la chose publique en continuant comme par le passé avec la « copinocratie » érigé en mode de gestion. Et comme le plus souvent, la copinocratie engendre la « stupidocratie » mieux « l’idiocratie ».
Aux yeux de Fatshi, cette dérive ne passerait jamais. C’était mal le connaître l’homme. Les faits nous donnent raison aujourd’hui.
En plus, le FCC voulait donner faussement l’impression à l’opinion que Félix Tshisekedi consulte régulièrement Kabila avant de prendre une décision. Faire passer Joseph Kabila comme le consulté privilégié. Une bêtise. Fatshi a annoncé ses grandes décisions sans lui.
Ils ont abusé de la bonne foi du président de la République. Voilà pourquoi, il fallait mettre fin à ce petit jeu où le demandeur se faisait passer pour un propagateur des fausses rumeurs et des gros mensonges.
Avec la rupture de la coalition, il n’y aura pas de cohabitation
Les caciques du FCC ont passé 18 ans au pouvoir en violant constamment la Constitution et en tordant le sens de la République. Évoquer la cohabitation dans la configuration actuelle, c’est faire une lecture biaisée de la Constitution. La cohabitation n’est pas possible dans le système politique congolais parce que le président de la République est un acteur majeur, un élément actif dans la gestion du pouvoir.
« L’article 78 de la Constitution rappelle que le Président de la République nomme le Premier ministre au sein de la majorité parlementaire après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement. Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité en vue d’identifier une coalition ».
Dans un système parlementaire au sens propre, c’est-à-dire un régime à tendance parlementariste, la cohabitation est possible. Mais dans notre cas de figure où nous sommes dans un régime parlementaire à tendance présidentialiste qu’on appelle le plus souvent régime semi-présidentiel, il paraît utopique de parler de la cohabitation d’autant plus que le premier ministre est nommé par le président de la République. Et la loi dit qu’il définit avec le chef de l’État la politique du gouvernement. La nuance est de taille « avec » le président de la République.
Il est donc clair que le premier ministre exécute la vision du chef de l’État qui l’a nommé. Le contraire est impossible parce que c’est le président qui dicte la marche à suivre.
Si la cohabitation est impossible mais par contre, la coalition est possible. La loi le prévoit, s’il n’y a pas de majorité parlementaire clairement exprimée. Avec la requalification de la majorité, tout va changer. Cette fois-ci, la coalition existera mais sans Kabila. L’alliance sera là mais elle ne s’appelera plus FCC-CACH mais Union sacrée de la nation.
Félix Tshisekedi, seul maître à bord
Victorieux d’une guerre qui n’aurait pas eu lieu, Tshisekedi évite de verser dans le triomphalisme même s’il a renvoyé le FCC et son autorité morale en bonne place dans l’opposition. Avec la rupture, le président gonfle son pouvoir. Ayant déjà la légitimité politique et populaire en plus d’un bon crédit à l’international avec sa diplomatie agissante, il ne lui manquait que l’imperium parlementaire.
La nouvelle majorité acquise, sa vision de faire avancer le pays, va marquer des bons points. Il aura une production législative sereine et patriotique, ingrédient essentiel pour bien asseoir l’État de droit.
Le président disposera désormais des vraies béquilles du pouvoir non pas pour ses propres intérêts mais pour la recherche du bien-être de la population.
Quid du nouveau gouvernement ?
Après avoir désigné son informateur qui identifiera la nouvelle majorité à l’Assemblée nationale, le chef de l’État devra choisir au sein de celle-ci, l’exécuteur de sa vision, donc le premier ministre. Le chef du gouvernement sera un acteur clé pour la réussite de sa vision : « Le Peuple d’abord ».
Le chef de l’État deviendra ainsi le seul chef de la puissance parlementaire comme aussi le patron de l’exécutif et du gouvernement. Bref, un vrai chef avec ses deux pieds : totale légitimité et totale légalité. L’interlocuteur valable du nouvel opposant, Joseph Kabila.
Les retombées positives de cette nouvelle configuration
Félix Tshisekedi s’étant débarrassé d’un partenaire gênant, encombrant et animé de très mauvaise foi, l’heure a sonné pour consolider davantage le processus de redressement et de normalisation de la res publica. Il s’agira de gommer totalement les antivaleurs et mettre fin au système de prédation.
Maintenant, Tshisekedi ne peut que se frotter les mains d’imposer la rupture systémique avec un régime d’aliénation. Ainsi, il s’engage, tête haute, dans la reinstauration d’un Etat fondé sur des principes et valeurs républicains, puisé dans le patrimoine matériel et immatériel sociopolitique africain.
Christian Bosembe, chercheur en Droit constitutionnel et chroniqueur politique