Par Siméon Isako

Depuis que le coronavirus a débarqué en RDC avec désormais une quarantaine de cas confirmés dont trois décès en moins d’une semaine, la panique s’est emparée de la population kinoise. Dans la capitale, la ville la plus populaire du pays, c’est la course à la survie.

Alors que le nombre de personnes atteintes du Covid-19 augmente jour après jour, à Kinshasa, masques au visage et gant à la main, c’est la ruée vers les marchés et supermarchés. Objectif, faire le stock de nourriture dans ce contexte de peur généralisée.


Le marché central de Kinsahsa – Photo/Lalibre.be

Des mesures de prévention à peine respectées

Face au risque de débordements, le gouvernement congolais dont le système de santé est l’un des moins équipés au monde, a mis en place des mesures drastiques pour tenter d’enrayer la progression de la pandémie. Ainsi, la fermeture des frontières, bars, églises, restaurants, funérarium ou encore des écoles, a été décidée. Tout comme la diminution du nombre de passagers dans le transport en commun mais aussi la suspension des vols commerciaux provenant des pays à haut risque. Des mesures qui ne sont pas toujours respectées.


Une vue du transport en commun à Kinshasa – Photo/Habari RDC

« Le gouvernement ne nous a jamais pris en charge, comment peut-il nous imposer le nombre de passagers dans le bus ? », s’interroge Ibrahim, conducteur d’un « 207 », dans un arrêt de bus de Lemba Terminus bondé. Ce plus grand bus tenu par les privés est réputé pour sa caractéristique à entasser les passagers. De quoi faire craindre une propagation massive de la maladie. Tandis qu’Ibrahim, lui, craint de « ne pas pouvoir réaliser ses recettes journalières », s’il respectait à la lettre les instructions du gouvernement.

« La moto est différente des véhicules car à la différence des autobus, on ne se touche pas », s’encourage pour sa part Richard, motocycliste place Victoire. « J’instruis d’ailleurs à mes clients de ne pas parler pendant la course », poursuit-il en jurant « ne transporter que deux personnes » au lieu de trois comme l’a demandé le gouvernement.

Survivre à tout prix

Mais à l’image de ces deux transporteurs, à Kinshasa, l’expression « vivre au taux jour », n’a jamais trouvé de résonance que depuis les brusques changements imposés par le coronavirus. Dans ce contexte, la décision des autorités de ne laisser s’ouvrir que les magasins de vente des produits alimentaires ne passe pas. Comme en témoigne la foule toujours nombreuse dans les différents couloirs des marchés de la ville.

Une demande qui augmente donc, et forcément, les prix des produits alimentaires, aussi. Dans un pays où, en temps normal, de nombreux ménages peinent déjà à joindre les deux bouts du mois, difficile de rester à la maison, à l’abri du Covid-19.


Une rue de Kinshasa – Photo AFP.

«Je comprends les mesures prises par le gouvernement mais je n’ai pas de choix, si je reste à la maison, on risque d’être coincés et de mourir, non pas du coronavirus mais de faim », lâche Alexis, journalier à l’usine Plastika, à Limeté.

« Ce travail est notre gagne-pain quotidien, nous demander d’arrêter parce que votre maladie là est venue, c’est vouloir qu’on meurt de faim. », murmure Papy, à quelques mètres de là. Si cette maladie existe, poursuit celui qui se qualifie de « débrouillard », « elle passera. Qu’on nous laisse faire notre travail », ajoute-t-il, inconscient face à la gravité de la situation.

Pour le gouvernement congolais, c’est un double défi auquel il doit faire face: convaincre sa population du danger que représente le Covid-19 et garantir à tous leur survie alors que la maladie continue à progresser. Un choix cornélien et une responsabilité à tous de se préserver de la pandémie.