Fayulu, Police, haine ethnique

Par CAS-INFO

Non. La confrontation n’aura pas lieu. En tout cas pas pour ce lundi 6 mai 2019. À cette date, la police judiciaire congolaise prévoyait d’auditionner l’opposant Martin Fayulu, qu’un certain Jean-Claude Ngoy Lufuluabo, auteur d’une plainte devant la Cour de cassation, accuse d’incitation à la haine ethnique, massacre de Balubas, pillage, atteinte aux droits garantis et de crime de génocide et crime contre l’humanité. Des accusations pour le moins, très graves, qui n’avaient pas laissées indifférentes les instances judiciaires du pays.

«Il se fait malheureusement que certaines personnes ont donné à cette invitation de la police un caractère politique, qui [présente] le risque d’exposer certains riverains habitant les environs de la Coordination nationale de la Police judiciaire [ à la Gombe]. », a expliqué la police congolaise dans un communiqué en annonçant le report sine die de l’audition de l’ancien candidat à la présidentielle.

En évoquant les raisons sécuritaires dans ce quartier huppé de la capitale congolaise où se côtoient des bonnes écoles et résidences des diplomates comme l’a si bien indiqué le communiqué, la police a bien trouvé son prétexte pour renvoyer à plus tard un premier clash de l’ère Félix Tshisekedi. Il faut dire que tous les ingrédients commençaient déjà à se mettre en place pour un possible affrontement entre les forces de l’ordre et les partisans de l’ex candidat de LAMUKA. « Fayulu ne sera pas seul. Il sera accompagné par les 62℅ de personnes qui ont voté pour lui. », prévenait encore ce samedi le coordonnateur pour la ville de Kinshasa de Lamuka Fidèle Babala, qui n’a pas hésité à appeler les Congolais des provinces à se rendre symboliquement lundi devant les Cours provinciales de justice. Un appel qui venait s’ajouter à la mobilisation déjà grande dans différents quartiers généraux des pro-Fayulu.

« Un sujet de diversion »

Si les raisons du report de cette audition désormais explosive sont justifiables, il apparait clair que les autorités policières et par ricochet, le nouveau pouvoir à Kinshasa, ont senti le danger. Danger bien sûr sécuritaire en plein Gombe mais pas seulement. Ils s’apprêtaient surtout à offrir à celui qui fait jusqu’à présent figure de principal opposant à Félix Tshisekedi une véritable vitrine pour s’exprimer et se poser en première victime politique de l’ère Tshisekedi.

Depuis la proclamation des résultats de la présidentielle en janvier 2019, Martin Fayulu sorti deuxième derrière Félix Tshisekedi se considère toujours comme le vrai vainqueur de l’élection. Depuis, le fondateur de l’Écidé multiplie les rassemblements publics au cours desquels il réclame toujours la «vérités des unes». Problème, ces meetings seraient l’occasion pour l’opposant d’inciter à la haine ethnique, selon ses détracteurs qui dénoncent des slogans anti-lubas lors de ces réunions publiques.

Pour l’intéressé, le vrai souci, pour le pouvoir, est ailleurs. «Kabila et Tshisekedi, qui n’arrivent pas à gérer le pays, n’ont pas digéré mon retour, l’accueil chaleureux, et les 5 heures presque de procession de l’aéroport de Ndjili jusqu’à la place Sainte Thérèse et la marée humaine qu’il y avait là-bas. », a déclaré Martin Fayulu dans une interview exclusive à CAS-INFO. « Ils doivent trouver un bouc-émissaire, un sujet sur lequel ils vont envoyer des gens, un sujet de distraction et de diversion ». Depuis son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi ne cesse de prôner la restauration d’un État de droit, dans lequel aucun opposant ne serait inquiété. L’affaire Fayulu semblait bien partie pour contrarier cette proclamation.