Kasaï-Oriental, diamant

Par CAS-INFO

Le diamant du Kasaï-Oriental est brutalement revenu à la une de l’actualité en RDC suite à l’affaire Ngoyi Kasanji-Eliezer Ntambwe. Le gouverneur de ce qui était il y a quelques décennies le grenier à pierres précieuses du pays traduit en justice l’animateur de l’émission « Tokomi Wapi », envoyé à la prison de Makala, mercredi soir, pour diffamation. Au cœur du procès, les allégations d’extorsion du diamant d’un habitant du Sankuru. Accusations que rejette le chef de l’exécutif est-kasaïen.

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Si l’affaire a pris une tournure politico-médiatique, elle permet néanmoins de jeter un regard sur le sort du diamant du Kasaï, cette ressource naturelle sur laquelle reposait l’économie de la province. Reposait. « Parce que cela n’est plus vraiment le cas », explique Antoine Kalala, ancien agent à Buzala, le centre de triage de la Société minière de Bakwanga (MIBA). « Dans les années 1990, la seule période de la paye des travailleurs de la MIBA permettait d’injecter jusqu’à deux millions de dollars sur le marché de Mbuji-Mayi et la monnaie circulait », se rappelle cet ex trieur installé depuis 2003 à Kinshasa. Un chiffre difficile à vérifier mais une information, concernant notamment la circulation de l’argent, corroborée auprès de CAS-INFO par plusieurs migrants Kasaïens vivant à Kinshasa.

Non seulement l’État, mais aussi les prédateurs au sein de la compagnie se sont également servis

Comme notre interlocuteur, en effet, ils sont nombreux, les anciens salariés MIBA à avoir fui la province ces dernières années pour trouver refuge dans la capitale ou à Lubumbashi. Tandis que les plus fortunés se sont exilés en occident.

L’hémorragie commence, de fait, dès la fin des années 1998 avec la guerre d’agression. Lorsque confronté aux rebelles, Laurent Désiré Kabila décrètait ce qu’il a qualifié d’« effort de guerre ». Un moyen pour l’État congolais de mettre la main sur le diamant de la MIBA et de financer la lutte contre l’insurrection. « Non seulement l’État, mais aussi les prédateurs au sein de la compagnie se sont également servis », souffle notre ancien trieur. De quoi précipiter dans le gouffre l’unique employeur que comptait la ville du diamant, comme le constatait en mai 2001 un rapport du Groupe d’experts des Nations unies, lesquels avaient également dans leur collimateur, le gouvernement du Zimbabwe qui s’est vu, en raison de son soutien pendant la guerre, octroyer le contrôle de la Sengamines, l’autre fleuron du diamant du Kasaï-Oriental, sombré dans le chaos.

Mais les difficultés de la province en termes de carence de son or blanche dépassent la concession minière de Bakwanga, comme le témoigne aussi cet ex creuseur de diamant devenu changeur de monnaie au grand marché à Kinshasa. Hervé Kabamba a fait toutes les mines de la région. Bakwa Bowa, Musoko, Bakwa Tshimuna, Tshaba, Katekelayi, etc. « Plus grand-chose ne sort de là », confie-t-il à CAS-INFO. Plus rien, en tout cas, pour les exploitants artisanaux qui ne peuvent plus ramasser telles des grêles les diamants après avoir creusé la terre, voire sans fournir beaucoup d’efforts. Comme ce fut le cas pendant les années fastes de Kasai « Wa Balengela », Kasaï « la province des personnes au visage brillant ». Mais ça, évidemment, c’était avant.

Malgré le discours officiel des autorités locales tendant à montrer un semblant du mieux-être, la province du Kasaï-Oriental en général et la ville de Mbuji-Mayi en particulier ne sont plus ce qu’elles étaient. La faute, à ce diamant qui a longtemps occupé le centre de la vie mais qui ne sort plus vraiment des terres. Laissant à plusieurs familles un seul choix : l’exode vers d’autres cieux du pays.