Katumbi, candidature

Par CAS-INFO

Certaine chair humaine se mange difficilement. Le dicton Luba, une langue parlée au centre de la RDC s’appliquerait parfaitement à Moïse Katumbi. Depuis qu’il a déclaré la guerre au chef de l’État contre lequel il s’est opposé fin 2014 à un 3e mandat, le fameux 3e « faux penalty », l’ancien gouverneur du Katanga était devenu l’ennemi public numéro un.

Des affaires judiciaires en série à l’exil en passant par la fermeture des frontières pour empêcher son retour au pays, le candidat d’Ensemble fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt international annoncé le 16 août dernier par le ministre de la Justice et décrit par le collectif d’avocats de l’opposant comme une « stratégie » de la Majorité présidentielle visant à l’empêcher à se présenter à l’élection du 23 décembre 2018. Mais si tout indique à ce jour que les moyens mis en place mettent hors course le président du TP Mazembe, l’exercice de sa disqualification n’a pas cependant de quoi être un jeu d’enfants. Voici pourquoi…

Il y a Katumbi mais aussi les figures qui l’entourent

Premièrement, exclure Katumbi du processus électoral, pose la question de l’avenir politique des personnalités qui l’entourent. D’anciens ministres, députés ou encore des grandes figures régionales, ils sont nombreux à nécessiter une réponse. Car en se défaisant de Katumbi, que va devenir l’ancien Président de l’assemblée nationale, Olivier Kamitatu, son porte parle, contraint avec ce lui, à l’exil ? Ancien président de la jeunesse du parti présidentiel, l’ex député PPRD, Francis Kalombo, serait un autre acteur important qui manquerait à l’étincelante concurrence de la circonscription de la Funa, dans la capitale. Sans oublier l’ex ministre des affaires étrangères Antipas Mbusa Nyamwisi. Ancien chef de guerre, ce dernier n’a pas manqué récemment à manifester de signe d’impatience face à ce qu’il considérait lors d’un entretien à la Libre Belgique comme un « blocage des urnes », qui nécessitait selon lui d’« envisager une autre piste de solution ».




Au pays, les yeux et les oreilles de Katumbi ne se trouvent pas seulement à Kinshasa avec les responsables de son Mouvement, Ensemble pour le Changement, Delly Sesanga, Claudel André Lubaya ou encore Pierre Lumbi, ancien conseiller sécurité du chef de l’État, aujourd’hui, numéro deux de la plateforme Katumbiste, l’épouvantail Katumbi se trouve également et surtout dans son fief de Lubumbashi. Ici, l’ancien président de l’assemblée provinciale du Katanga, Gabriel Kyungu, surveillé en permanence par les forces de sécurité, montre à quel point les autorités prennent au sérieux de quoi ce redoutable allié est capable dans le sud-est du pays.

Un scénario à la Ouattara 

Mais si malgré ces importantes ressources humaines, Katumbi venait malgré tout à être écarté, le candidat d’Ensemble pourrait mettre toute ses forces dans l’unité de l’opposition. Un scénario qui ne profite pas à la Majorité. Jusque-là hésitant sur ce sujet, l’ancien gouverneur du Katanga commence à s’avancer sur le choix d’un candidat commun. De ce fait, sa force financière et ses hommes constitueraient une véritable machine de guerre destinée à vendre l’idée d’une victoire de l’opposition susceptible de permettre le retour au pays et la participation au développement, du meilleur gouverneur de province des années 2007-2014. Soit, pendant quasiment les deux mandats du pouvoir sortant.




Mais dans la perspective où il était quand même bloqué dans son exil, le pays prendrait alors le risque non seulement de se priver d’une des valeurs sûres de la dernière décennie. Il mettrait surtout à la porte de ses frontières une menace permanente. Depuis qu’il lutte loin de ses bases natales, Moïse Katumbi a été en effet l’artisan des sanctions financières dont sont l’objet des proches du Chef de l’État. Ses réseaux internationaux toujours solides continuent à plaider sa cause. Les États-Unis, la Belgique, l’Union africaine et plus récemment, la SADC, réclamant, tous, des élections inclusives. Autrement dit, des élections dans lesquelles tous les candidats doivent participer. Un soutien à peine voilé à Moïse Katumbi, seul l’opposant à être à ce jour empêché officiellement à déposer sa candidature.

Le scénario rappelle en tout cas et de façon troublante celui d’un autre opposant, Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire. Écarté en 2000 par la Cour suprême ivoirienne alors proche du Président Laurent Gbagbo, pour « nationalité douteuse », le candidat du Rassemblement des Républicains (RDR), fortement soutenu par la Communauté internationale, avait fini par obtenir l’autorisation de déposer sa candidature en 2005. Un dénouement rendu possible par le médiateur de l’Union africaine, un certain Thabo Mbeki. Douze ans plus tard, l’ancien président sud-africain, désigné envoyé de la SADC à Kinshasa, selon la Libre Belgique, va-t-il rééditer le même retournement de situation et repêcher la candidature Katumbi ?