Par Yvon Muya

C’est dans l’ordre politique des choses. Un président élu entre en fonction. Il savoure sa lune de miel. Puis un événement heureux ou malheureux vient changer le cours de sa présidence. Pour Félix Tshisekedi, ce weekend du 30 mai au 1er juin 2019 constitue un tournant, qui marquera à jamais son premier quinquennat à la tête de la République démocratique du Congo.

Et pour cause, les hommages, grandioses, jamais organisés dans le pays depuis 1960, comme le souligne Didier Mbuyi, chercheur en communication et enseignant à l’école de journalisme de Kinshasa. Rendus par la RDC, à son illustre père, Étienne Tshisekedi. Au milieu de ces funérailles mémorables organisées dans un stade des Martyrs (80 mille places), archicomble, Félix Tshisekedi a, de façon quasi autoritaire, attiré sur lui tous les projeteurs. Et, en fin tacticien, joué toutes les cartes possibles de ce momentum.

Entouré des Chefs d’État de la région et pas n’importe lesquels – João Lourenço, de la grande puissance régionale, l’Angola, Paul Kagamé, le très influent président Rwandais, ou encore, le voisin Brazzavillois Denis Sassou Nguesso, toujours perçu à Kinshasa comme un père protecteur – Félix Tshisekedi est apparu serein. Envoyant, alors qu’il en a profité pour diriger, en plein deuil, une tripartite RDC-Rwanda-Angola, sur la sécurité et la coopération économique, l’image d’un président en maîtrise des enjeux vitaux du pays et de la région malgré le chagrin qui le touche personnellement. Bien loin des clichés de la tutelle de Joseph Kabila, son prédécesseur, dans lesquels, ne cesse de l’enfermer son principal opposant Martin Fayulu, grand absent, tout comme Moïse Katumbi, de la cérémonie du stade des Martyrs.

L’Église Catholique oublie la vérité des urnes

Pour l’ex candidat de Lamuka qui continue à réclamer la vérité des urnes, c’est une séquence à oublier. En effet, il ne pourrait plus compter sur l’appui de l’Église Catholique pour continuer à contester la victoire de Félix Tshisekedi. Les cérémonies d’hommages à l’ancien leader historique de l’Udps ayant rapproché à nouveau et de façon spectaculaire la plus grande confession religieuse du pays, au Chef de l’État.

C’est l’Archevêque de Kinshasa, Mon Seigneur Fridolin Ambongo, qui avait pourtant boudé la cérémonie d’investiture du nouveau président en janvier dernier, qui s’est chargé en personne de sonner la réconciliation. En rappelant tout de même au président congolais d’amener à bon port le combat, pour l’état de droit et le bien être social des Congolais, mené pendant toute sa vie par son honoré géniteur et résumé aujourd’hui dans la célèbre devise « le peuple d’abord ». «De la même manière que Moïse, depuis le mont Nébo, aperçut la terre promise, sans y entrer, il vous revient désormais comme Josué de parachever l’idéal socio-politique de votre illustre père », lui-a-t-il lancé avant de l’exhorter à « conduire le peuple congolais, dans sa diversité, vers la terre promise, la terre promise de prospérité, sans exclusion, de respect mutuel et de convivialité ».

Une manière de tourner définitivement la page des élections du 30 décembre 2018 et de se concentrer rien que sur l’avenir. Manière aussi de montrer, et c’est ce que les Congolais ont vu, au Stade des Martyrs, et à la télévision nationale, que le Président n’est plus seul, désormais, pour mener à bien son plan de redressement du pays. Si, face à un Front commun pour le Congo, la coalition de l’ancien président Joseph Kabila, ultra dominatrice dans la quasi-totalité des institutions, la tâche s’annonce rude, ces hommages à une grande figure de l’histoire congolaise pourraient bien avoir permis de changer la donne.

Après être apparu comme le seul maître abord, après avoir eloigné de ces cérémonies, qu’il ne fallait pas rater, ses opposants les plus redoutables (c’est ce que disent les principaux intéressés) et bénéficié du soutien des dirigeants du continent, Félix Tshisekedi sort de ce deuil incontestablement, requinqué. Il y aura bien un avant et un après obsèques d’Étienne Tshisekedi. Lorsqu’il sera question d’analyser la présidence Félix Tshisekedi.