L’ancien ministre du développement s’est-il compromis dans les meurtres au Kasaï ? Le journal américain, le New York Times, révèle ce weekend un enregistrement accablant mettant en cause le député de Dibaya.
Dans un enregistrement trouvé sur l’ordinateur de Zaida catalan – la jeune humanitaire de l’Onu tuée en mars dernier avec son collègue américain Michael Sharp – une voix présentée comme celle de Clément Kanku reçoit un rapport d’un présumé milicien sur les tueries à Tshimbulu. La conversation se déroule en Tshiluba. Nous avons tenté de la traduire fidèlement :
Informateur : Honorable, on vient juste de brûler la ville de Tshimbulu
Voix présumée de Kanku : qui est à l’appareil ?
Informateur : C’est Constantin Tshiboko
Voix présumée de Kanku : ok, c’est bien. A-t-on tout brûlé ?
Informateur: Oui, c’est le bureau de la Ceni qu’on va incendier maintenant.
Voix présumée de Kanku : C’est une bonne chose. C’est ce qu’il leur avait promis. Ils ont tout fait tel que promis, non ?
Informateur : Oui, ils continuent. Ils vont maintenant ouvrir la prison de Tshimbulu…, plutôt, de Dibaya.
Voix présumée de Kanku : c’est une bonne nouvelle. Tiens-moi au courant [de la situation].
Informateur : Sans aucun problème. Je vous donnerai toutes les informations.
Voix présumée de Kanku : Merci.
Puis, dans une deuxième conversation, on entend les deux mêmes voix.
Informateur: Allo, Honorable !
Voix présumée de Kanku : Oui, Constantin. Tu m’avais appelé ?
Informateur : Oui, je vous appelais pour vous informer qu’on a terminé l’opération sur tous les bureaux. On a ouvert la prison maintenant. Tout le monde [prisonniers] est sorti. On a tué 6 policiers. Puis on a tué deux éléments de Kamwina Nsapu.
Voix présumée de Kanku : Hum…
Informateur : ils ont tué le garde du corps du Colonel Bass. C’est comme si le colonel est dans sa maison. Ils veulent mettre le feu pour le brûler dedans.
Voix présumée de Kanku : ils ont tué le garde du corps ?
Informateur : oui, ils l’ont tué…ils en ont tué un, puis, un deuxième. Il reste maintenant à mettre le feu sur la maison…Il leur manque de l’essence. Ils sont en train de terroriser les habitants pour avoir de l’essence et finir l’opération…
L’informateur poursuit d’un ton remonté : Mais, chef, [comment voulez-vous], Kabila se joue de nous. Avez-vous entendu ce qu’il est allé dire en Ouganda [ Ndlr, lors de sa visite en Ouganda le 4 Août 2016, le chef de l’État avait déclaré que les élections ne se tiendraient qu’une fois la révision du fichier électoral terminé, provoquant un tollé] … A-t-il de la considération pour nous ?
Voix présumée de Kanku : Ah, ils sont toujours comme ça…
Informateur : chef, tout ce qui me manque ici, ce sont les unités pour vous appeler et vous donner les informations.
La voix présumée de l’ex ministre met fin à l’entretien téléphonique en promettant de « voir ça ».
Selon le New York Times, Zaida Catalan avait conservé sur son ordinateur 130 fichiers sous le nom de Clément Kanku.
Voilà un enregistrement qui va relancer le débat sur les auteurs des massacres et de l’assassinat de deux agents de l’Onu dans le Kasaï. Dans un récent rapport, l’ONU avait relevé que le conflit qui s’est déclenché en Août 2016 était alimenté par des leaders originaires de la région.
Zaida Catalan enquêtait sur le rôle présumé de Clément Kanku. Député et ancien ministre, Kanku fut également vice-gouverneur du Kasaï Occidental pendant la transition du schéma 1+4.
C’est un secret de polichinelle : n’importe quelle personne sensée devrait savoir interpréter ce qui se passe. La fuite des prisonniers n’est venue que pour confirmer. Tous ces morts c’est le prix à payer pour que Kabila reste président.