RDC, Tshibala, Kabila

La crise politique en République Démocratique du Congo connait depuis le vendredi 8 avril 2017 un tournant avec la nomination de Bruno Tshibala au poste de Premier ministre. Membre de l’Udps, bien qu’il en soit exclu, l’arrivée de l’ancien secrétaire général adjoint du principal parti d’opposition est l’accomplissement d’une réalité qui devait finir, et c’est arrivé, par éclater au grand jour : le choix rationnel.

Développé par de nombreux spécialistes de la science politique à l’instar de Peeter Przeworski, mais surtout, Javier Santiso qui a étudié les difficiles processus de démocratisation en Amérique latine, le paradigme du choix rationnel attribue aux agents, acteurs politiques dans le présent cas, un comportement rational qui, en raison d’un certain nombre de préférences montrent un comportement visant le plus grand profit ou le moindre mal.

Cela arrive, comme le démontre Santiso, lorsque les acteurs politiques se retrouvent en face d’un régime autoritaire fort et qu’il est difficile de changer brutalement. En Chili, Argentine ou en Bolivie, l’opposition a dû composer avec les régimes militaires des années 1970 – 80. Question, selon les auteurs, de faciliter une transition en douceur.

Cependant, plutôt que l’opposition dans un ensemble structurel, Santiso (pour rester avec lui), souligne que l’approche du choix rationnel [qui nous amènera sur le cas de Olenga Nkoy, Bruno Tshibala et Roger Lumbala plus tard], s’inscrit dans le cadre d’un changement de paradigme où les approches macro-orientées et focalisées sur les conditions objectives font place aux approches pluralistes, « valorisant davantage les politiques et accordant une place centrale aux individus acteur ».

Très clairement ces approches soulignent le « problème de l’incertitude inhérente aux démocratisations. Par conséquent, elles développent l’idée que les acteurs pouvaient « tirer des avantages de cette incertitude ». Autrement dit, saisir leur chance dans ce climat d’incertitude en s’ajustant selon l’offre qui puisse garantir leu survie/avenir.

Peut-on facilement démocratiser la RDC ?

Comme ce fut le cas en Amérique latine, la question se pose également et sérieusement pour la RDC. Entre cette région lointaine et le plus grand pays de l’Afrique centrale, les similitudes sont nombreuses : régime militaire fort et autoritarisme. Le caractère institutionnel congolais répond parfaitement à ce profil et ça ne date pas de Joseph Kabila.

En 1990, Augusto Pinochet est renversé. Mais le système militaire chilien et les conditions structurelles autoritaristes sont restés les mêmes, c’est-à-dire avec la même capacité de nuisance, laissant l’espace politique dans l’incertitude pour l’avenir. En opérant le choix (rationnel) de faire équipe avec les généraux putschistes, l’opposition chilienne cherchait à : 1) préserver leurs intérêts, 2) les rassurer et assurer elle-même son propre avenir plus que jamais incertain avec les militaires toujours au pouvoir. Le choix d’écarter les militaires en Egypte post Moubarak a couté très chers aux Frères Musulmans et Mohamed Morsi.

La crise qui secoue la RDC a démontré que le régime de Joseph Kabila reste solidement installé. L’armée, la police, les renseignements et la douane restent fidèles et aucun de ces services sur lesquels repose le pouvoir n’a montré un signe de lassitude. Par ailleurs, comme toutes les autoritarismes, toutes institutions régaliennes du local au national sont sous contrôle de la Majorité présidentielle. Et localement, les gouverneurs de province, dans une sorte des régimes de juxtaposition s’occupent, loin des regards, de réduire au silence l’opposition. Mbuji-Mayi, l’un des bastions de l’Udps et Lubumbashi où a émergé le G7 en sont deux parfaites illustrations.

Dans ce contexte d’incertitude pour l’opposition congolaise, le paradigme du choix rationnel trouve un terrain fertile de vérification. S’il n’est pas possible d’exclure de l’analyse la stratégie du débauchage activée par le pouvoir de Joseph Kabila, comme l’en accuse le Rassemblement, il n’est pas non plus exclu que Bruno Tshibala, Joseph Olenga Nkoy et Roger Lumbala ont opéré un choix. Celui de s’assurer que le régime qui reste indéboulonnable ne finisse par balayer tout à son passage.

L’incertitude créée par le statu quo après deux ans de lutte pour empêcher un 3e mandat a rendu fragile la cohésion de l’opposition. Bien avant le clan des frondeurs, l’ancien président de l’assemblée nationale Vital Kamerhe, aujourd’hui relancé, avait opéré le même choix en Septembre 2016 en acceptant de rejoindre le dialogue de la cité de l’Union Africaine.

Il n’est pas sûr que les rangs de l’opposition « radicale » resteront garnis si la situation était appelée à perdurer.