RDC, Course à la montre

En République Démocratique du Congo, un nouveau sprint final est lancé. Cinq mois chrono. Jusqu’au 31 décembre 2017. Cette date est censée marquer la fin de la courte période de transition décidée dans l’accord de la Saint Sylvestre. Or, la Commission électorale nationale indépendante l’a décidé, tenir une élection en 2017 sera impossible. Une décision contestée par l’opposition qui projette des manifestations. Tandis qu’une grande partie de la communauté internationale (ONU, Union européenne, États-Unis) insiste sur le respect du compromis du 31 décembre 2016. Ancien premier ministre du gouvernement issu de l’accord de la Cité de l’Union africaine, et d’ordinaire, susceptible d’épouser les thèses des autorités congolaises en place, Samy Badibanga y est allé jeudi de son grain de sel en proposant qu’il soit convoqué la présidentielle… le 2 octobre 2017.

À l’image de l’ancien locataire de la rue du roi Beauduin, la classe politique congolaise se (re) cherche. Et elle va dans toutes les directions.

Félix à la place de Bruno

Le plan Badibanga est séduisant, mais il est loin de charmer la présidence de la république, qui s’active, plutôt, sur le dossier chaud de son « mercato », le recrutement du… président du Rassemblement. Mardi, l’ancien porte-parole du chef de l’État passé dans l’opposition, Kudura Kasongo, en était convaincu : fin septembre, Bruno Tshibala quittera la Primature et Félix Tshisekedi lui succèdera pour conduire une transition de deux ans, a-t-il dégainé s’attirant les foudres des partisans de l’alternance d’ici à la fin de l’année. Le tweet de l’ancien journaliste confirme pourtant nos informations qui font état des contacts persistants ces dernières semaines entre le fils du leader historique de l’Udps et le Pouvoir, visant à convaincre le premier à prendre les commandes d’un gouvernement censé permettre à Joseph Kabila de traverser sans heurts la date « fatidique » du 31 décembre 2017. Mais après le démenti du secrétaire général adjoint de l’Udps – qui « n’est ni demandeur, ni preneur d’un poste de Premier ministre » – cette piste semble avoir pris du plomb dans l’aile.

Les conditions du FMI, l’alternative russe

« L’entendement commun dans les milieux politiques congolais est que l’absorption de la crise politique actuelle passe essentiellement par l’application stricte de l’accord de la Saint Sylvestre », plaide Samy Badibanga. Le Fonds monétaire international (FMI), aussi. Attendue dans les prochaines semaines pour, espère-t-on, à Kinshasa, ouvrir les crédits provisoires et ainsi soulager un gouvernement dont les signaux économiques sont aux rouges (chute des prix des matières premières, instabilité du taux de change, secteur social qui gronde), l’institution financière internationale veut voir, d’abord, une « trajectoire visible vers la stabilité politique » avant de mettre la main à la poche.

À quelques jours de la visite de la délégation du FMI, tous les indicateurs (absence de calendrier électoral, vote qui tarde de la loi de répartition des sièges et révision toujours en cours du fichier électoral) montrent que ce prérequis ne sera pas respecté. Résultat, en cas du blocage du côté de Bretton Woods, une grande banque russe pourrait être une alternative, ainsi que le révèle Reuters. Selon l’agence britannique de presse, le Premier ministre Bruno Tshibala a reçu récemment Raymond O’Leary, vice-président de la VTB, deuxième grand établissement bancaire de la fédération de Russie, avec lequel il est question de discuter d’un eurobond (un emprunt) visant à permettre au gouvernent congolais de recueillir des fonds dont il a fortement besoin. Une démarche qui pose questions, étant donné que la VTB, à l’instar d’une bonne partie des banques russes, est sous sanctions des États-Unis, et que toute mise en commun des obligations VTB-RDC compliquera incontestablement les relations entre l’État congolais et ses principaux partenaires occidentaux.

Le fantôme de Sharp et Catalan

Dans l’entre-temps, la vérité sur le meurtre de deux humanitaires de l’ONU, Michael Sharp et Zaida Catalan au Kasaï menace dangereusement d’éclater au grand jour. Contre qui ? Le dernier rapport du Groupe d’experts de l’ONU laisse planer le doute. Mais recommande une enquête supplémentaire pour déterminer l’identité et les motifs des tueurs. Une suggestion qui n’est pas du goût des autorités congolaises, qui, par la voix du chef de la diplomatie, Léonard She Okitundu, ont insisté, mercredi, à New York, qu’elles comptent bien continuer à garder la main sur ce dossier.

Le bruit de fond du fantôme de deux experts de l’ONU, et la crise au Kasaï, de manière générale, rappellent que le gouvernement est engagé, dans une course folle, sur plusieurs fronts. Et le temps file. Très vite.