JOSEPH KABILA PASSANT EN REVUE LES TROUPES DE LA GARDE REPUBLICAINE LORS D'UNE CEREMONIE DU 30 JUIN.
Par Yvon Muya

Comme ce fût le cas avant la date fatidique du 19 décembre 2016, le concert des pressions internationales a repris sur le président de la République Démocratique du Congo. Dans un communiqué publié samedi, même le Conseil de sécurité des Nations-Unies s’en est (encore) mêlé en appelant Joseph Kabila et toute la classe politique à redoubler leurs efforts, « en toute bonne foi » pour une conclusion rapide des négociations.

Les États-Unis, l’Union Africaine, la SADC ou encore les chefs de la diplomatie occidentale, tous ont repris du service. En vain. Près de deux mois après la signature de l’accord de la Saint Sylvestre, le maitre de Kinshasa suit toujours son propre calendrier.

Hors mandat, mais en position de force

Il y a deux mois, le départ de Joseph Kabila avait cristallisé les passions. Le « faire partir » était devenu un élément fédérateur, facteur de mobilisation des masses populaires. Comme pouvaient le démontrer les kinois lors de cette parade sans précédent le 27 juillet 2016, jour du retour au pays de l’opposant historique Étienne Tshisekedi. Ils ne venaient pas uniquement accueillir leur leader. Mais donner rendez-vous à l’« ennemi » commun qui allait bientôt occuper le palais présidentiel « illégalement ». Sénateur PPRD et au premier plan des négociations, Léonard She Okitundu ne s’y trompe pas lorsqu’au lendemain des manifestations sanglantes des 19 et 20 septembre 2016 il prévient de ne pas « sous-estimer la capacité de mobilisation du Rassemblement ».

Étienne Tshisekedi de retour au pays le 27 juillet 2016 après deux ans de convalescence en Belgique. Il est accueilli par des milliers des kinois.

Pour autant, le 19 décembre est passé. Pas de mobilisation au rendez-vous. L’opposition ayant choisi de ne pas donner de consigne.
Pour Joseph Kabila c’est une victoire éclatante contre l’adversaire interne. Celui qui devait lui infliger un carton rouge.Il ne se prive pas d’ailleurs de le souligner le 31 décembre, près de deux semaines après la bataille avortée de Kinshasa : « Maintenant que d’aucuns ont expérimenté les limites et les dérives de la stratégie à la violence… ». Dans ses vœux de nouvel an le chef de l’État ne boude pas son plaisir de savourer l’échec de l’opposition après avoir fait la démonstration de force dans la rue.

Les éléments de la garde républicaine déployés en masse à Kinshasa le 19 décembre 2016.

2017 sera une année des grands enjeux, a décrété Joseph Kabila et le processus électoral déjà entamé se « poursuivra » selon le calendrier de la Ceni, précisait-il ce jour-là.

Autrement dit, ni le Conseil de sécurité dont une délégation a été « sermonnée » le 12 novembre 2016 à Kinshasa, selon un diplomate, ni l’Union Africaine, parrain de l’accord du 18 octobre dont le rôle est parlant dans le blocage actuel, encore moins l’opposition décapitée par le décès de son chef Étienne Tshisekedi…rien ne semble ébranler le chef de l’État qui continue (hors mandat) à tenir les rênes du pouvoir et selon son propre tempo.

Plus de 15 millions d’électeurs enregistrés

En effet, Joseph Kabila organisera les élections, insiste un ministre PPRD du gouvernement Badibanga. Mais « selon son propre schéma », ajoute notre interlocuteur. Et les faits semblent lui donner raison. Alors que la Commission électorale nationale indépendante, lentement, mais sûrement continue à enregistrer les électeurs. « Nous en sommes à 15.671.480 enrôlés », s’est réjoui vendredi 24 février Corneille Nangaa qui recevait les élus du Kasaï Central, Kasaï-Oriental, Sankuru et Lomami, 5 provinces dans lesquelles les équipes de la Ceni s’apprêtent à lancer l’enregistrement sur les listes électorales.

Par ailleurs,le ministre UNC du Budget qui s’est risqué à jeter le trouble en évoquant l’impossibilité d’organiser les élections en 2017 ne s’est-il pas fait taper sur les doigts, recadré à la fois par les membres du gouvernent et le président de la Ceni.

Après avoir remporté la bataille du 19 décembre, éloigné l’opposant le plus sérieux et candidat à la présidentielle Moïse Katumbi [condamné à 3 ans de prison et poussé à l’exil] et aujourd’hui aidé par la disparition du très populaire opposant historique Étienne Tshisekedi, Joseph Kabila reste seul maitre à bord. Comme il y a quelques mois avant la fin officielle de son mandat, l’avenir politique du pays repose toujours sur son bon vouloir.Tant pis pour la pression internationale.